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Paolina


Le concert battait son plein depuis une heure déjà.

Le père de Lula, Sidnei, avait prononcé un discours, puis Lula avait appelé Dani sur scène pour qu'elle fasse l'intro et présente le groupe, ce qu'elle avait fait à la perfection, l'air très à l'aise. Je savais qu'il n'en était rien ; elle n'arrêtait pas de regarder Alessio, lequel ne lui prêtait pas attention, apparemment.

Je ne savais pas pourquoi il l'ignorait, mais c'était exactement ce que je voulais : qu'elle s'occupe de son mec, et oublie mon Lula deux minutes.

C'était moi la première à tenir la buvette. Il y avait du monde, et je n'arrêtai pas. Mon service enfin terminé, je passai la caisse à Niki et descendis les marches menant à la pelouse. Lula se tenait là, adossé au mur, l'air pensif, une cigarette au bec. Dans la semi pénombre, je le trouvai incroyablement beau.

Quand je passai devant lui, il me retint par le bras.

─ Qu'est-ce que tu as fichu, Paolina ?!

Sa voix était cassante, presque méprisante. Ca ne lui ressemblait pas. En plus, il m'appelait Paolina, et pas Paola. Oh. Il n'était pas content. Ca me fit un peu mal, mais je n'en montrai rien.

─ De quoi tu parles, Lul ? dis-je, l'air dégagé.

─ De Daniela, bien sûr.

Ben oui, bien sûr ! Daniela, encore Daniela, toujours Daniela ! Même lorsque nous allions encore à l'école, la maîtresse m'avait appelé après la classe, un jour, pour me parler de Dani. Moi qui pensais qu'on allait parler de mon 10/10 en Géographie, mais non, pas du tout. Elle m'avait dit que Dani avait eu une mauvaise note, et « est-ce que quelque chose ne va pas à la maison ? »

C'était ce jour-là que j'avais compris.

En grandissant, ça ne s'était pas arrangé. Elle attirait la lumière, toutes les têtes se tournaient sur son passage ou presque. Même quand elle se comportait comme une peste, et c'était arrivé plus qu'à mon tour, sa bouille d'ange trouvait toujours le moyen de se faire pardonner, de lui sauver la mise.

Au lieu que ce soit la maîtresse qui m'appelait pour m'interroger à son sujet, brusquement, c'était devenu les mecs.

« Hey, Paol, ça va ? Vous allez à la fête avec Dani, demain, non ? Elle est seule en ce moment ? Tu crois que y'a moyen ? »

Je répondais avec un sourire forcé.

« Et moi ? » avais-je envie d'hurler.

C'était insupportable. Pire que ça, parfois. Je savais que j'étais grosse, alors ils ne me voyaient pas. Elle était populaire et jolie. Brillante en sciences. C'était pas simple.

Heureusement, les choses étaient un peu différentes maintenant que nous étions adultes. Déjà, j'avais beaucoup maigri. Ensuite, j'avais appris à manipuler les hommes, moi aussi. Je devais y mettre plus d'efforts qu'elle, certes, mais quand même.

Les hommes veulent tous la même chose. Une fois qu'on a compris ça...

Je considérai Lula. Il y avait un peu de douleur sur son visage. Littéralement. Je n'avais pas remarqué avec la lumière plutôt faible, mais il était parti pour avoir un gros bleu sur la joue. Je compris ce qui s'était passé et soupirai.

Je le vis tourner la tête vers Dani. Elle se tenait près du lac, avec sa copine Moira, également prof de maths à l'université. Elle regardait Alessio. Lui-même était occupé à se marrer avec Alejandro.

Le Solstice d'été (HB 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant