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Daniela


Lorsqu'Alessio me rejoignit sur le trottoir devant le restaurant, je le trouvai toujours soucieux. En contrepartie, le poids dans ma poitrine sembla s'alourdir encore. De toute évidence, il était toujours inquiet. Il était fermé depuis des heures, depuis la veille même. Je n'arrivais pas à le dérider, et ça me rendait folle. Je n'arrivais pas à l'atteindre.

Je m'éclaircis la gorge tout en passant une main nerveuse dans mes cheveux.

─ Tu l'as eue ? demandai-je inutilement, et je croisai les bras sur ma poitrine comme pour me protéger.

Alessio fit « non » de la tête.

Alors, il l'avait vraiment appelée.

Sans un mot, je me dirigeai vers la voiture.

Je conduisis jusqu'à la maison dans un silence de plomb. Alessio me jetait de fréquents coups d'œil, mais il ne prit pas la parole.

Nous descendîmes de voiture et entrâmes dans la maison, moi d'abord, lui me suivant. Tout était calme, comme tous les soirs. Maman était partie dîner avec un copain à elle.

J'avais besoin d'espace. Je traversai la maison silencieuse et sortis directement dans le jardin.

─ Tu parles souvent à Chloé, hein ? demandai-je calmement, très calmement, à Alessio, alors qu'il s'adossait à la porte vitrée.

Il sortit une feuille à rouler de la poche de son jean, et un petit sachet contenant une certaine plante. Malgré moi, je l'admirai alors qu'il préparait le joint avec des gestes sûrs, léchait légèrement le papier à cigarette puis le roulait entre ses longs doigts. Il alluma le joint, en tira une bouffée ; puis il me le tendit en exhalant la fumée, tête renversée en arrière. Il me fit un sourire en coin. Il était tellement absurdement sexy, c'était ridicule.

Je pris le joint et en tirai une taffe à mon tour, avec des gestes nerveux, saccadés.

─ Je t'ai posé une question, rappelai-je à Alessio en passant la main dans mes cheveux pour les écarter de mon visage.

─ J'ai entendu, Dani. Tu veux te disputer avec moi.

─ Je crois, admis-je.

Je ne le regardais pas. Je le savais bien sûr qu'ils se parlaient. J'avais fait mine de ne pas le voir de tout le week-end. Je me mordis la lèvre, pris une nouvelle bouffée du joint, et lui rendis. La fumée était âcre, comme d'habitude ; au lieu de me détendre, je me sentais encore plus anxieuse.

─ C'est à cause d'elle aussi que tu étais inquiet hier ? demandai-je encore, levant finalement les yeux vers lui. Pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe avec elle ? Heu... vous êtes ensemble, c'est ça ? Tu sors avec elle ?

Alessio me fixa tout en portant le joint à ses lèvres pleines.

─ Tu me penses vraiment capable de faire tout ce que j'ai fait avec toi si je sortais avec une autre fille ?

─ C'est une question rhétorique ? rétorquai-je, de mauvaise humeur.

Il haussa les épaules avec désinvolture.

─ Je ne sors évidemment pas avec elle. Sinon, je ne peux pas trop te dire ce qui se passe. J'aimerais bien mais je pense que ça ne plairait pas à Chloé que je te le dise...

Cette phrase brisa quelque chose en moi. Etait-ce le fait qu'ils partageaient un secret ?

Etait-ce le fait qu'il la protégeait ?

Etait-ce le fait qu'il la mettait au-dessus de moi en préférant ne pas la contrarier elle ?

Je ne sais pas. Mais ça faisait mal. Très mal.

Le Solstice d'été (HB 2)Where stories live. Discover now