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Paolina


  Lorsque nous arrivâmes à praia Leblon, la fête battait déjà son plein. Un téléphone posé sur une petite table en bois diffusait très fort de la musique et certains dansaient en riant dans la lumière du soleil couchant. Un feu crépitait joyeusement non loin. Certains y faisaient griller des marshmallows. Niki retournait de la viande, debout en short devant le barbecue. Alejandro lui prêtait main forte.

─ Ca a l'air sympa, dis-je à Lula alors que nous nous dirigions vers le groupe.

─ Ouais, c'est vrai.

─ Allez, Lul. Fais-moi un sourire.

Il me fit un énorme sourire, factice, et me prit par la taille. Je levai les yeux au ciel.

J'avais eu un peu de mal à le convaincre de venir. Je pense qu'il voulait s'éviter le spectacle de Dani et d'Alessio filant le parfait amour. Au moment où je me faisais cette réflexion, je les repérai un peu plus loin. Alessio sortait de l'eau, son short de bain rouge collé à sa peau, Dani lovée autour de lui comme un serpent enroulé sur une branche. Tous deux riaient. Alessio dit quelque à Dani et ils rirent encore plus fort. Je la vis le frapper affectueusement à la tête.

 Un étrange sentiment s'empara de moi en les regardant. Ils avaient l'air si résolument... amoureux. Ce n'était pas comme Lula et moi, me dis-je, même s'il me tenait la taille. Ca sautait aux yeux que Dani aimait Alessio et qu'il l'aimait aussi.

Je la trouvais très différente avec lui qu'elle ne l'était avec Rub, à l'époque. Jamais je ne lui dirais une chose pareille, mais je la trouvais plus épanouie avec Alessio. Rubén n'était pas un mec facile. Très intelligent, oui, très doué pour chanter, c'est sûr, mais aussi très capricieux, un certain caractère, aussi. Et puis, il n'était pas connu pour sa patience. Dani l'aimait alors elle passait souvent l'éponge, mais quand même.

Quand on m'avait annoncé la raison de sa mort, je n'avais pas été surprise. Il s'était mis à traîner avec des membres de cartels, et n'écoutait personne, ni Dani ni sa propre mère, ni même sa grand-mère qui l'avait élevé et pour laquelle il avait le plus grand respect.

Dani s'était totalement écroulée lorsqu'il était mort. Normal. Mais pas comme on pouvait le penser ; tout s'était fait très sournoisement. Elle était douée pour cacher ses émotions, et la douleur de son deuil ne se voyait même pas au prime abord. Juste, elle sortait beaucoup, beaucoup. Au bout d'un an, j'avais pensé qu'elle remonterait la pente, mais pas du tout. Elle sortait avec n'importe qui, répondait à sa mère qui ne savait plus à quel saint se vouer.

Les rares fois où j'avais essayé de lui parler, un peu effrayée par le gouffre au bord duquel elle semblait marcher sur le rebord, elle m'avait envoyé promener en ricanant, arguant un sempiternel et insurmontable « Tu-peux-pas-comprendre-Paol ». Ses parents s'étaient arrangés pour qu'elle termine le lycée en France et y reste quelques temps. Je l'avais revue plusieurs fois depuis lors de ses voyages à Sao Paulo. Toujours je l'avais trouvée sombre, le regard lointain ; lorsqu'elle souriait, ce n'était pas de son vrai sourire.

Et puis elle était revenue pour une bonne période en décembre dernier. Elle souffrait encore, mais d'une souffrance différente. Cette fois sa douleur s'appelait « Alessio » et là aussi, j'avais trouvé que c'était différent. Plus profond et plus difficile que pour Rubén. Cet Alessio n'était pas mort. Il était bien vivant et l'avait repoussée. Elle ne s'en remettait pas. Et finalement, si.

Mais avec Lula.

Or, j'avais besoin de Lula.

J'aimais Dani mais je ne pouvais pas lui laisser Lula. Anton, Lula... et puis qui d'autre encore ? Devais-je toujours tout lui donner parce qu'elle avait perdu l'homme qu'elle aimait, plus jeune ? Etait-ce normal ? Etait-ce ma faute ? N'avais-je pas le droit d'être heureuse aussi ?

Le Solstice d'été (HB 2)Waar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu