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Daniela


« Je conduis » annonçai-je à Lula en tendant la paume vers lui alors qu'on sortait dans la rue chaude.

Il avait compris que j'étais d'une humeur massacrante et ne chercha même pas à discuter. Il me lança les clefs de la camionnette. Je les attrapai au vol.

« Merci » dis-je rudement. Il leva les yeux au ciel, peu impressionné par mes manières de glaçon. C'est ça. Il ne perdait rien pour attendre.

Je mis le contact, démarrai et m'élançai dans la nuit noire.

Nous fîmes tout le trajet vers la sortie de Rio en silence. Assis à côté de moi, Lula envoyait des messages à Fábio, tandis que Joaquim écoutait de la musique, assis à l'arrière de la camionnette, ses écouteurs dans les oreilles. Petit et râblé, il était notre homme à tout faire, et ne parlait quasi jamais. Une des raisons pour lesquelles j'aimais particulièrement sa compagnie.

Paol était restée à Guiomar avec Fab et le vieux Gaspar.

Au bout de vingt minutes de route, la silhouette du vieux bâtiment de la compagnie d'électricité se découpa dans l'obscurité, posé sur sa colline. Il s'agissait d'une bâtisse haute de plusieurs étages, désaffectée, qui n'était plus en service depuis dix ans, censée être démolie depuis cinq, mais encore là. Seules deux lumières étaient allumées dans le petit poste de garde, de l'autre côté de la cour ; tout le reste était plongé dans l'ombre.

Je me garai sur le bord de la route et nous fîmes le reste du trajet à pied. Il fallait traverser un pont désert suspendu au-dessus du Rio Grande, puis monter une pente plantée de quelques arbres touffus avec une assez forte déclivité ; des cailloux ne cessaient de rouler sous les semelles de mes tennis. A un moment, je faillis me casser la figure ; Lula me rattrapa in extremis par le bras. Je me dégageai en le remerciant d'une voix sèche.

« Tellement têtue, marmonna-t-il avec exaspération. Tête de pioche. »

Je le bousculai. Il me donna une petite bourrade à son tour.

« Ça suffit ! » trancha Joaquim en nous considérant l'un l'autre avec désapprobation.

Lula me tira la langue dans son dos. Je le bousculai de nouveau.

Notre trio ignora l'entrée principale pour préférer faire le tour du bâtiment.

« Là » murmura Lula. Je levai la tête pour suivre du regard ce qu'il pointait du doigt. Il s'agissait d'une fenêtre entrouverte à l'arrière de l'édifice. Malheureusement pour nous, elle était située assez haut.

Lula, qui était le plus grand d'entre nous, escalada pour se retrouver sur le rebord. Je le vis exercer une pression sur le vieux battant de bois pour le soulever, avant de jeter un coup d'œil à l'intérieur.

« On dirait un bureau, chuchota-t-il.

─ Reviens, dis-je. Fais-moi la courte échelle. J'y vais en première. »

Il redescendit à notre niveau, mit ses mains en coupe et j'y posai le pied. Sans effort apparent, Lula me souleva ; à mon tour je pris appui sur le rebord de la fenêtre et me hissai. Je passai la tête dans la pièce sombre, ramenai mes jambes sous moi. Je baissai les yeux pour évaluer la distance d'avec le sol, sans Lula pour amortir, et sautai. Mes chaussures soulevèrent un petit nuage de poussière en atteignant le plancher, et je me mis à tousser. Joaquim me rejoignit juste après, suivi de Lula.

« Chut ! me lança Lula en roulant des yeux. T'es pas discrète.

─ C'toi qui es pas discret. »

Le Solstice d'été (HB 2)Where stories live. Discover now