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fin février


Lula


  Je garai la petite Polo GTI que j'utilisais pour aller à l'association à côté des Jaguar et autres Lamborghini et sortis du garage.

  Lorsque je traversai le jardin verdoyant en direction du Palácio brilhante, je découvris Cassio, négligemment allongé sur une branche basse, lunettes de soleil sur le nez, occupé à feuilleter un magazine. L'un des domestiques avait posé à son côté un plateau chargé de fruits, de fromage, de biscuits et de thé glacé.

« Oi, me lança-t-il sans faire mine de se redresser. (Il goba un raisin). Tu es en retard.

─ J'avais un truc à finir au boulot. Désolé.

─ OK. On y va ou quoi ?

─ Je dois d'abord parler à Père, répondis-je en passant devant lui sans m'arrêter.

─ Ha ! Bon courage, alors. »

  Je n'allais probablement pas en avoir besoin. Les nouvelles étaient bonnes, pour une fois.

  Je traversai le hall frais, contournai la fontaine du patio et arrivai dans le grand séjour baigné de la lumière diffuse de cette fin d'après-midi. Le claquement de talons hauts raisonnant sur le parquet ciré attira mon attention. Vanessa avançait dans ma direction, vêtue d'une robe légère d'organsin grenat, ses longs cheveux blonds ramenés sur le côté à l'aide de peigne ornés de diamants. Un collier, lui aussi composé de diamants, scintillait à son cou pâle.

J'étais parti pour l'ignorer, mais elle me décocha un sourire ironique.

« Coucou, frangin... Tiens ! Tu nous honorerais de ta présence ? Pour une fois, tu n'es ni en train de boire dans un bar, ni en train de danser avec des créatures sans cervelle dans une boîte de nuit, ni en train de... attendez... rien faire du tout sur un transat du jardin ? Ou patauger dans la piscine ? »

Ce qu'elle était agaçante ! Je lui jetai un regard peu amène.

« Lâche-moi, je sors tout juste du travail. »

Elle éclata de son rire cristallin et moqueur.

« Mais bien sûr. « Le travail ». Comme si tu y connaissais quoi que ce soit.

─ Déjà plus que toi, non, Ness ? »

Elle entortilla une mèche de cheveux autour de son doigt manucuré d'un geste qui illustrait tout son dédain.

« Oh, mais je n'ai pas à travailler. Papa se moque éperdument de ce que je peux faire des mes journées ! Je ne suis pas l'héritière, moi. Ça, c'est toi, tu te souviens ? »

Elle désigna la chevalière familiale que je portais à mon annulaire droit, comme le voulait la coutume.

« J'ai pas choisi d'être l'aîné, Vanessa, et tu devras t'y faire, un de ces quatre.

─ Ouais, c'est ça, c'est ça... allez, salut. »

Elle s'éloigna sur ses hauts talons, dans un nuage de parfum hors de prix. Secouant la tête, je gagnai le bureau de notre père, situé au premier étage. Le tapis épais de l'escalier étouffait mes pas.

Je frappai deux fois au lourd battant de bois sombre, surmonté d'une poignée en or massif.

« Entrez ! » Lança la voix de stentor de père.

Je pris une inspiration et m'avançai dans la pièce. Père était assis sur le coin de son bureau, et terminait une conversation téléphonique. Il me fit signe d'approcher.

« Certainement pas ! C'est inadmissible. Dites-leur qu'ils n'ont pas ce délai, et tenez-moi au courant de l'évolution » aboya-t-il.

Il raccrocha sans dire au revoir. Je sus qu'il parlait à Pedro, son bras-droit. Il se tourna vers moi, sourcils froncés, narines frémissantes. Il était encore mécontent de la teneur du coup de fil.

« Qu'y a-t-il, mon garçon ? m'apostropha-t-il.

─ Bonjour, Père. Je venais vous dire que j'avais pris ma décision, par rapport à notre discussion. Sachez que je travaille depuis quelques temps avec une association qui s'appelle Guiomar. Ça fait six mois que je les aide, mais l'association n'a officiellement ouvert ses portes au public qu'il y deux mois, début janvier.

─ C'est intéressant. Quel est leur projet ?

─ Ils aident les habitants des favelas, mais en réalité, ils couvrent bien d'autres choses. Ils ont un programme sérieux.

─ Hmm... Explique-moi pourquoi tu les as choisis ? Ce ne sont pas les associations qui manquent à Rio...

─ Ils viennent de démarrer, répétai-je. Du coup, mon aide leur sera profitable. Je pense que d'ici un an et demi, deux ans maximum, ils seront totalement autonomes.

─ Très bien. Ça m'a l'air d'être une bonne idée, pour le moment. On en reparlera plus en détails. Laisse-moi, à présent, j'ai à faire. »

Au moins, ça avait été rapide.

En sortant, je trouvai Cassio nonchalamment adossé contre le mur.

« Alors, c'est bon, on y va ? Si j'avais su que tu me ferais autant attendre, je serais pas venu.

─ Hum hum.

─ Dani sera là ce soir ? »

Sa question faussement innocente attira mon attention immédiatement.

« Pourquoi tu me demandes ça ?

─ Je sais pas, je trouve ça amusant de te voir lui demander de danser avec toi chaque soir... et de te prendre un râteau systématiquement. Toi, le grand, l'unique Lula Neruda ! »

Je me détendis. Les vannes, je pouvais gérer. Je n'avais pas trop envie de l'entendre dire qu'il avait envie de l'inviter à danser, lui aussi.

« Ne t'inquiète pas des râteaux, je gère la situation, dis-je. Et oui, elle sera là. Paolina me l'a dit par message.

─ Cool ! Hé, tu sais que ta charmante petite sœur m'a encore fait des avances ? demanda Cassio alors qu'on descendait les escaliers du même pas.

─ Mon pauvre vieux ! Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?! »

  Ils étaient brièvement sortis ensemble, à une époque. Nos deux familles étaient amies depuis des décennies. Malheureusement, ça n'avait pas fonctionné : Cassio trouvait Vanessa très attirante, certes, mais aussi trop exigeante envers lui. Mortifiée par sa rebuffade, elle s'était mis en tête de le séduire et de l'épouser coûte que coûte.

  Quelque chose me disait qu'elle y parviendrait.

Le Solstice d'été (HB 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant