Chapitre 7

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Isine débouchait à toute allure dans la cour du château quand une silhouette lui rentra dedans. La jeune femme tomba aussitôt en dans une posture de défense, sa main volant vers la poignée de sa dague alors que son regard remontait vers son adver...

Jeremy.

Isine relâcha son arme avec un grognement mais resta sur ses gardes. Elle avait gravi les échelons du petit monde des espions beaucoup trop jeune, beaucoup trop vite, jusqu'à se retrouver confidente de la reine et par conséquent juste en dessous du chef, dont elle était devenue l'adjointe. Bien évidemment, cela ne lui avait pas valu que des amis, et c'était bien peu dire. Si Jeremy s'était toujours montré correct avec elle, elle n'avait jamais vraiment réussi à le cerner et elle en gardait une certaine méfiance.

— Isine, fit-il en se massant le front. Tu tombes bien, je te cherchais.

— Je venais te retrouver. Qu'est-ce que tu veux ?

— On se calme. On n'est pas en guerre, toi et moi. La reine t'a confié une mission ?

— Tu penses sérieusement que je vais répondre à cette question ?

— Je suis au courant. Pour le prisonnier.

Elle eut un mouvement de recul.

— La reine m'a dit que personne d'autre n'était au courant.

— Tu restes sous mes ordres, jusqu'à preuve du contraire, répliqua le maître espion. Je suis en droit de savoir ce genre de choses.

— Tu as soutiré l'information à la reine ?

Jeremy haussa les épaules.

— Je lui ai demandé gentiment.

— Menteur.

— J'ai menacé toute sa famille.

— Son fils est déjà capturé.

— Je l'ai suppliée à genoux.

Isine parti d'un rire sans joie.

— Ce serait bien mal la connaître.

— J'ai utilisé des arguments pertinents et rationnels. (Il lui saisit le bras). Il faut que je te parle. Du prisonnier.

— C'est important ? interrogea Isine en se dégageant. Je suis pressée.

— Tu réalises qui il est et ce qu'il a fait, n'est-ce pas ?

— Oui.

Le regard que Jeremy posa sur elle à cet instant aurait pu se découper en un kaléidoscope d'émotions différentes. La résignation. La curiosité. La peine. La peur. La colère. L'envie de meurtre.

Elle ne peut s'empêcher de frissonner. Il n'était pas tellement plus vieux qu'elle, mais c'était un vétéran de la guerre des 600, et ces 600 jours les séparaient tout autant qu'une génération.

— Fais attention à toi, Isine, reprit-il d'une voix tendue. Fais vraiment attention.

— Je fais toujours attention.

— Pas seulement physiquement. Fais aussi attention à ton esprit.

— Quoi ? C'est un halfelin, non ? Il ne fait pas de magie.

— Pas à ma connaissance. Mais je l'ai vu sur les champs de bataille, avec ses hommes (son regard traversa Isine alors qu'il se perdait dans ses souvenirs). Il... peut-être très persuasif. Ses hommes seraient morts pour lui. Et ils le sont. Morts.

— Je sais ce que je fais. Tu me prends pour une débutante ?

— Non. Non, pas du tout. Mais tu n'étais pas là... Tu n'as pas vu. (Il eut un frisson involontaire et Isine le dévisagea avec des yeux ronds). Fais attention, c'est tout. Je viendrais t'aider si tu en as besoin.

— Hm. Très bien. Je ferais ça. Maintenant, si tu permets...

Jeremy hocha la tête et s'écarta, lui libérant le passage.

Elle s'engagea dans la cour d'un pas mesuré, sentant à chaque foulée le regard de son supérieur sur son dos. Mais quand elle se retourna, il montait déjà sur le cheval qui l'attendait un peu plus loin et sans un regard en arrière, fit signe aux trois hommes qui l'attendaient.

Les quatre cavaliers sortirent du fort au grand galop.

— Ah, les hommes, gronda-t-elle en prenant la direction des prisons.

Un jeu de rois et de pions 1 - Nous qui sommes des ombresWhere stories live. Discover now