Chapitre 48

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La jeune femme repoussa doucement la porte dans son dos et s'avança d'un pas lent jusqu'à son fauteuil. Elle posa son menton dans ses mains, les coudes appuyés sur le dossier, face à un Dzangher qui l'observait comme si elle était un fantôme.

Il était tétanisé. Son esprit tournait à vide, incapable de décider s'il devait être heureux ou s'il devait désespérer.

— Tu es réveillé.

Sa voix le sortit de sa transe. Il prit une grande inspiration qui se termina par une quinte de toux alors qu'un élancement douloureux le pliait en deux. Quand il se releva, elle n'avait toujours pas bougé. Elle l'observait, une expression indéchiffrable sur le visage.

S'il était vivant, c'est que quelqu'un l'avait remonté sur le pont.

Si quelqu'un l'avait remonté sur le pont, ça ne pouvait être qu'elle.

Il fouilla son regard mais se heurta à quelque chose qui le terrifia.

Un mur. Un bouclier impénétrable. Elle avait de nouveau dressé ce mur qu'elle abordait au début, écrasant le lien qui avait un jour existé entre eux.

Et il se retrouvait là, face à cet obstacle aveugle, incapable de le franchir, incapable de s'en détourner. Impuissant et vulnérable.

Elle ne croyait toujours pas en lui. Mais elle l'avait sauvé.

Il ne comprenait plus rien.

— Tu es venue...

Isine inclina la tête sur le côté.

— Oui, regarde : je suis là.

Il était incapable de la lâcher des yeux et pourtant ce qu'il voyait sur son visage lui faisait tellement, tellement mal.

Il avait tellement besoin de comprendre.

De savoir.

— Tu m'as rattrapé.

La bouche de la jeune femme se crispa légèrement.

— Oui, fit-elle. Oui, j'ai fait cela.

— Pourquoi ?

Une fois de plus, il ne réussit qu'à produire un murmure.

— Que s'est-il passé ?

Et alors qu'Isine le regardait de nouveau sans répondre, un détail lui revint en mémoire.

— Et le prince ? Comment va-t-il ?

Cette fois-ci, Isine claqua sa langue contre son palais et secoua la tête.

— Ne t'occupe pas du prince. Je ne veux pas parler de lui.

Son ton sec le mortifia et il déglutit difficilement.

— De quoi veux-tu parler, alors ?

Encore une fois, il se heurta à son silence, au mur qu'elle avait bâti entre eux. La colère enfla en lui, balayant la peine.

— Pourquoi être venue si c'est pour rester là sans rien dire ? Que veux-tu ? Je croyais que tu ne voulais plus rien avoir à faire avec moi.

Ce silence.

Toujours.

Atroce.

Il déborda dans la pièce, se répandant autour de lui, en lui.

Et soudain, ce fut trop. Ses poings se serrèrent alors qu'une vague de dépit l'emportait.

— Si tu n'as rien à me dire, alors pars ! s'écria-t-il. Ne joue pas avec moi.

Un jeu de rois et de pions 1 - Nous qui sommes des ombresWhere stories live. Discover now