Chapitre 28b

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Elle n'eut pas à attendre très longtemps.

La pluie s'était calmée durant la nuit et ils repartirent à l'aube. Malgré le réconfort apporté par cette nuit passée au chaud et au sec, la perspective de retourner dans le froid humide de la fin de l'hiver en fit grogner plus d'un.

Du coin de l'œil, Mia avait vu Loenn proposer son manteau à Lilia qui l'avait refusé en rigolant, le tout sous le regard terreux de Tchaek qui harnachait son cheval un plus loin.

Elle se promit d'aller lui parler un peu plus tard, mais elle voulait d'abord profiter d'avoir les idées claires pour discuter avec Stovy de leur nouveau plan.

Ils s'isolèrent en tête du convoi, ce qui fit que Mia n'eut conscience du problème que lorsqu'il était déjà trop tard.

Ils traversaient une lande en tous points semblable à celle de la veille, choisissant des chemins discrets pour éviter de croiser des patrouilles. Ces dernières, ainsi que les fermes, se faisaient de plus en plus rares à présent qu'ils s'éloignaient de la capitale, et il en serait de même jusqu'aux Montagnes Noires.

Un hurlement retentit derrière eux, coupant Stovy au milieu d'une phrase, et Mia et lui pivotèrent de concert.

Le cri émanait de Lilia. La jeune femme tentait de contrôler son cheval qui reculait en renâclant. Mia se retourna juste à temps pour voir Loenn se jeter sur Tchaek avec une grimace de rage, les faisant tomber tous les deux.
Affolés, les chevaux s'égaillèrent tandis que les deux hommes roulaient à terre en échangeant des coups.

Mia fit virevolter sa monture et s'élança vers eux au galop.

— Rattrapez les chevaux ! ordonna-t-elle aux gardes abasourdis.

Sans attendre de voir s'ils lui obéissaient, elle sauta à terre et se précipita vers les deux combattants.

Si Loenn avait eu pour lui l'effet de surprise, il était maintenant en fâcheuse posture. Animé par la rage, il avait réussi à asséner quelques coups à Tchaek, lui fendant la lèvre et lui entaillant la pommette, mais celui-ci reprit rapidement le dessus. D'un mouvement du bassin, il fit basculer le prince qui roula au sol et Tchaek en profita pour le coincer sous lui. Il le saisit au col et lui allongea un coup de poing en pleine figure. Le nez de Loenn céda dans un craquement sinistre. Il cria et un flot de sang jaillit de sa blessure alors qu'il portait ses mains à son visage.

Mia arriva sur ses entrefaites et se jeta sur Tchaek pour le tirer en arrière. Ce dernier résista, prêt à frapper de nouveau, et la chef rebelle dut user de toute sa force pour le contraindre à lâcher prise.

Avec un cri de rage, il s'écarta de Loenn qui retomba dans l'herbe, les yeux larmoyants.

Mia fit un geste à Lilia pour qu'elle s'occupe de lui et, tirant toujours un Tchaek furibond par la peau du cou, elle s'éloigna à grands pas du chemin.

Elle entendit Stovy décréter une halte et demander des bandages, puis un relief les sépara du convoi et les voix se turent.

Ils marchèrent ainsi de longues minutes dans la lande, s'isolant encore et encore du reste du groupe jusqu'à ce qu'ils soient complètement hors de vue et que Mia décide qu'ils étaient assez loin.

Elle désigna un rocher gris qui dépassait de l'herbe.

— Assis, ordonna-t-elle.

Tchaek tituba vers la pierre et se laissa tomber dessus, les bras sur les genoux.

Mia se campa au-dessus de lui, menaçante.

— À quoi pensais-tu, Tchaek ? C'est un enfant ! Un enfant !

Un jeu de rois et de pions 1 - Nous qui sommes des ombresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant