Chapitre 43

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NdA : désolé pour les délais excessivement longs entre les publications, ça va être plus régulier maintenant (pour ce qu'il reste, c'est à dire pas grand chose) \o/

Sarikhan entendit à peine les derniers mots de la reine.

Dzangher.

Dzangher était vivant.

C'était impossible, et pourtant c'était bien lui. Il avait beaucoup changé, il était beaucoup plus maigre que dans son souvenir et il semblait avoir traversé dix ans de plus que ceux qui s'étaient écoulés, mais c'était bien lui.

Elle avait parcouru ce visage tant de fois, caressé sa bouche et ses joues, perdu ses mains dans ses cheveux et son âme entre ses bras. Elle ne pouvait pas se tromper.

Il était vivant.

Vivant.

Après dix ans.

Elle sentit un sentiment profondément enfoui en elle briser la coque d'indifférence qu'elle avait construite et se lever telle une lame de fond. Puis elle posa les yeux sur la faerie qui le retenait prisonnier avec un air si dur, et tout le reste lui revint d'un bloc.

Elle l'avait cru mort, bien sûr. Comme eux tous.

Il lui avait fait toutes les promesses de bonheur et d'amour qu'elle avait voulu entendre, qu'elle avait bien voulu croire avec toute la force de son jeune cœur naïf, puis il était parti guerroyer et elle ne l'avait jamais revu.

Où était-il quand elle l'avait appelé à l'aide ? Quand Iyan était devenu fou ? À la frapper, elle et tous ceux qui osaient le contredire ? Où était-il quand ils avaient dû subir les pires humiliations pour tenter de le raisonner, en pure perte ? Où était-il quand elle avait dû se soumettre à son vouloir, à son désir, par peur qu'il décide de la tuer dans un moment de colère ? Où était-il quand elle l'avait attendu, en vain, la peur et l'espoir chevillés au corps ?

Il n'avait jamais répondu à ses nombreux messages. Ni à ses appels à l'aide.

Il l'avait abandonnée.

Elle l'avait cru mort, car sinon elle l'aurait étranglé de ses propres mains.

Dans son cœur, la vague se tassa, remplacée par de la rage. De la rage pure, viscérale. Celle qui seule peut succéder à l'amour.

— Je ne connais pas cet homme, fit-elle d'une voix parfaitement maîtrisée, indifférente et glacée.

Sous la main d'Isine, Dzangher fut parcouru d'un tremblement incontrôlable.

Ainsi, tout était vrai.

— Ah vraiment ? répliqua la reine avec un sourire. Mais vos compatriotes l'ont reconnu, eux.

Sarikhan ne prit pas la peine de se tourner vers eux.

— Qu'est-ce que cela signifie ?

— C'est simple. Je vous propose un échange : le prince contre votre général — avec votre promesse qu'il dirigera votre gouvernement — en échange de ma parole de vous laisser votre indépendance, et même de soutenir votre petit mouvement.

— Pourquoi voudrions-nous de ce traître pour chef ? hurla alors l'homme à la barbe qui retenait le prince. Le peuple ne l'acceptera jamais à sa tête !

Sarikhan lui fit sèchement signe de se taire, mais la reine sourit.

— Ce traître, comme vous dites, a prouvé sa valeur en tant que meneur d'hommes. Je l'ai affronté sur le champ de bataille et je connais ses capacités. Et puis, il n'est pas seulement un traître, et vous le savez aussi bien que moi : l'histoire est plus complexe que cela. Quand vous vous donnerez la peine de la corriger, votre peuple l'acceptera. Et enfin... (Sa voix se chargea d'éclats de fer) je ne vous demande pas si vous le voulez, je vous l'impose.

Un jeu de rois et de pions 1 - Nous qui sommes des ombresWhere stories live. Discover now