Chapitre 11

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Comment vous appelez-vous ?

— Je suis obligée de rester là pour te surveiller, répondit Isine sans quitter son livre des yeux, mais je ne suis pas pour autant tenue de répondre à tes questions.

Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis la dernière fois qu'ils avaient parlé. Ce jour-là, la jeune femme était revenue des cuisines avec une soupe légère qu'il avait réussi à manger seul. Une fois de plus, elle avait dût lui confisquer le bol pour éviter qu'il ne se rende malade, son estomac peinant à reprendre un régime normal. Depuis, le prisonnier n'avait pas bougé du lit, encore trop faible pour se lever.

Isine s'était retirée dans son fauteuil et était plongée dans la lecture d'un traité abscons traitant de l'influence de la pleine lune sur les pouvoirs magiques faeries. Elle surveillait le prisonnier du coin de l'œil.

Il s'était assoupi plusieurs fois, mais se réveillait systématiquement en sursaut, le souffle irrégulier et les yeux perdus.

De temps en temps, lorsqu'il était réveillé, il glissait un regard qu'il croyait discret vers l'ouvrage qu'elle tenait et le contemplait comme d'autres un trésor.

Bien sûr, Isine aurait pu lui en fournir un, au lieu de le laisser avec ses pensées dans le lit vide, mais elle n'avait aucune envie de lui faciliter la vie. Après tout, elle devait juste s'assurer qu'il reste en bon état.

D'ailleurs, s'il n'avait pas été si faible, elle l'aurait volontiers assommé pour avoir la paix.

— Je...

Par les cieux, elle n'allait pas pouvoir continuer comme ça très longtemps. Son livre claqua quand elle le referma sèchement.

— Quoi, encore ?

L'homme n'eut aucune réaction et elle eut un peu plus envie de l'assommer.

— J'ai une autre question.

— J'ai déjà dit non !

— S'il vous plaît...

Le ton sur lequel il émit cette demande la fit réfléchir. Elle ne s'était pas attendue à ce qu'il la supplie et même si son visage ne reflétait aucune émotion, elle devinait aux mouvements rapides de sa poitrine que cela représentait pour lui.

Elle grinça des dents.

— D'accord, pose ta question.

— Qu'est-il arrivé à la Volghie ?

— Quoi ?

— La Volghie, le pays d'à côt...

— Oui, oui, je sais où est la Volghie, merci ! Il n'y a pas grand-chose à dire. Votre roi a juré fidélité à la reine Sofia, et ton pays - pardon, ce qui était ton pays - est désormais le vassal du Nelestran, et... quoi d'autre ? Oh, il y a les grandes fosses communes qui contiennent les dizaines de milliers de personnes que toi et ton ami Vitzghar avaient massacrés, bien sûr. Mais ça, tu le savais déjà, n'est-ce pas, général ?

Elle avait craché ce dernier mot.

— Vous savez qui je suis, murmura le prisonnier, et des ombres ternirent de nouveau son regard.

— Bien sûr, ricana-t-elle, impitoyable. Tout le monde sait qui tu es. Tu es considéré comme l'un des plus grands criminels de l'histoire. Mes félicitations, un beau palmarès pour tueur.

Chaque mot l'avait vu blêmir un peu plus, une expression d'horreur ancrée sur les traits. Cette dernière s'effaça lentement pour être remplacée par une peine tellement profonde qu'Isine fut obligée de détourner le regard.

Un jeu de rois et de pions 1 - Nous qui sommes des ombresWhere stories live. Discover now