Chapitre 40

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Ils repartirent peu de temps après. Malgré ce que lui avait dit Dzangher, malgré ces nouvelles certitudes d'Isine, une partie d'elle était toujours dévorée par l'inquiétude de savoir la reine en danger. Ils adoptèrent une allure soutenue et filèrent droit en direction des montagnes. Ils avaient nettoyé le sang qui couvrait leurs affaires et ressemblaient suffisamment à des voyageurs pour déjouer la vigilance des rebelles, si d'aventure certains gardaient encore la route devant eux.

Ils cheminèrent ainsi toute la journée, alternant trot et petit galop pour ne pas épuiser leurs montures, mais ils ne rattrapèrent pas la reine et son escorte.

Le soleil commençait à décliner et Dzangher dodelinait de la tête sur son cheval, cédant peu à peu à la fatigue, quand il vit Isine, elle aussi somnolente, se mettre à glisser doucement de sa selle. L'instant d'après, elle bascula complètement et s'écroula dans l'herbe alors que son cheval faisait un écart, apeuré.

Le sang de l'ancien général se figea. Il sauta au bas de sa monture et se précipita vers la jeune femme, qui se relevait difficilement sur un coude.

— Isine !

— Ça va, ça va, grogna-t-elle en se redressant. Je me suis endormie, c'est tout.

— Tu as vu comme tu es pâle ? Tu as perdu trop de sang !

— Arrête de t'inquiéter pour rien.

Elle eut une grimace et ignora la main qu'il tendait pour l'aider. Mais à peine debout, le monde se mit à tourner autour d'elle et elle dut s'appuyer sur lui pour ne pas tomber.

— Bon, tu as peut-être raison, admit-elle à contrecœur, je suis un peu fatiguée.

— Enfin un peu de bon sens. Trouvons un endroit pour la nuit.

Elle se hérissa.

— Non ! Il faut continuer. Ils ne doivent plus être très loin.

— Loin ou pas loin, tu n'iras nulle part dans cet état, rétorqua Dzangher. Nous avons chevauché toute la journée sans trouver trace d'un affrontement. Et s'ils ont été attaqués de nuit, comme nous, alors il n'y a rien à faire. Prenons quelques heures de repos, et après on repart, promis.

La jeune femme hésitait encore. Dzangher amena l'argument qui acheva de la convaincre.

— S'ils ont vraiment besoin de moi, ils finiront bien par nous attendre quelque part.

Isine sourit malgré elle et se laissa entraîner.

Ils rattrapèrent les chevaux, Isine prenant soin d'économiser ses mouvements (depuis quand ses mains étaient-elles aussi blanches ?), et remontèrent en selle.

Ils s'écartèrent de la route et suivirent un vallon étroit jusqu'à trouver une clairière suffisamment éloignée pour ne pas être inquiétés. Dzangher emmena les chevaux boire à un ruisseau tout proche tandis qu'Isine allumait laborieusement un feu.

Quand il revint, ils partagèrent un maigre repas de pain et de fromage, tous les deux perdus dans leurs pensées. Puis la nuit tomba sur eux et les étoiles s'illuminèrent doucement. La fatigue les écrasa comme une chape.

Ils n'avaient pu récupérer qu'une seule couverture après le désastre de l'attaque et ils s'en entourèrent en se blottissant près du feu.

Isine enserra délicatement ses bras autour de Dzangher et cette fois-ci, il ne protesta pas.

— Tiens, tu n'as plus peur de moi ? nota Isine d'une voix pâteuse tandis que ses yeux se fermaient tout seuls.

— Je n'ai jamais eu peur de toi.

Un jeu de rois et de pions 1 - Nous qui sommes des ombresWhere stories live. Discover now