Chapitre 49

11 3 2
                                    

Jeremy la regarda repousser la porte derrière elle.

Il avait attendu sans bouger, appuyé contre le mur du couloir pour lui offrir ce moment d'intimité. Il jeta un œil aux gardes armés qui patientaient un peu plus loin, l'air de s'ennuyer. Eux non plus ne parleraient pas.

Isine se rapprocha et il se décolla de la paroi. Elle dissimulait ses sentiments derrière un masque immuable, et le maître espion se fit le reflet de son choix. Mais il la connaissait bien, trop bien peut-être. Il ressentit malgré lui la puissance du déchirement qui était le sien.

— Je suis désolée, déclara-t-elle en le fixant bien en face.

Malgré lui, il sentit sa gorge se serrer.

— Je t'avais dit de faire attention.

— J'ai fait attention, j'ai même fait très attention. Je suis désolée parce que je sais ce que ça te coûte, à toi, et je suis désolée parce que je sais qu'après, tu seras un peu plus seul.

Il recula comme si elle l'avait giflé et pendant un bref instant, un éclair de stupéfaction fusa sur ses traits. Puis il se reprit, agita négativement la tête.

— Il ne s'agit pas de moi.

Elle se contenta de sourire et tendit ses mains.

Avec une infime hésitation, Jeremy sortit de nouveau ses entraves et les lui passa autour des poignets. Le reste de l'escorte les rejoignit alors et les encadra comme si de rien n'était.

Le maître espion attrapa doucement le bras de la jeune femme mais elle se dégagea, le regard brûlant. Elle releva le menton et s'avança, seule. Jeremy lui emboîta le pas et leur escorte s'ébranla.

Il était encore tôt, mais ils ne croisèrent personne. Les serviteurs et les courtisans qui auraient dû être présents avaient été subtilement orientés vers d'autres couloirs par les petites mains du maître espion. Il ne voulait aucun témoin.

La situation était déjà suffisamment atroce comme cela.

Ils arrivèrent devant la porte de la salle du trône beaucoup trop tôt.

Les gardes s'écartèrent pour laisser passer Jeremy, qui posa la main sur la poignée et se retourna pour dévisager sa jeune collègue. Elle se tenait très droite, un air de défi plaqué sur les traits, les yeux brillants. Il ne sut s'il devait ressentir de la fierté ou du désespoir. Il l'observa une dernière fois de pied en cap, puis, d'un geste infiniment doux, il effaça une larme qui avait perlé sur sa joue.

Avant qu'elle n'ait pu réagir, il se retourna, incapable de soutenir son regard.

Posant les deux mains contre la grande porte, il fit pivoter les battants et Isine s'avança pour se soumettre au jugement de sa reine.

Un jeu de rois et de pions 1 - Nous qui sommes des ombresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant