Chapitre 20

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Jeremy et Willem progressèrent pendant quelques kilomètres avant d'arriver en vue du pont. Ils s'étaient tus depuis un bon moment, se concentrant chacun sur le rôle qu'ils devaient incarner : Jeremy, celui du messager de la reine et Willem, celui d'un garde envoyé pour le protéger.

Avec sa cicatrice, il ne devait pas se forcer beaucoup pour paraître menaçant et ne s'en privait pas. À le voir ainsi, la main sur la poignée de son épée et les yeux mauvais, on aurait eu peur de perdre un doigt en approchant trop près de sa bouche.

Arrivé à l'entrée du pont, Jeremy tira les rênes de sa monture et détailla les deux hommes qui avaient interrompu leur jeu pour les regarder approcher.

Ils n'étaient ni jeunes ni vieux et avaient la constitution et l'apparence de gens qui avaient passé leur vie à lutter pour la conserver. Ils étaient armés d'épées de mauvaise facture mais deux grands arcs bandés reposaient à proximité immédiate de leurs mains. L'un d'eux, qui portait une courte barbe et un manteau clair, les interpella.

— Hé, voyageurs. Qu'est-ce qui vous amène en Volghie ?

— Depuis quand devons-nous nous justifier pour traverser ce pont ? l'apostropha Willem. Il n'y a plus de frontière ici depuis dix ans alors tu ferais mieux de me parler autrement, péquenot.

— J'ai un message pour ton chef, intervint Jeremy pour couper court aux insultes de son faux garde du corps. Je ne rendrais des comptes qu'à lui.

Un rictus déforma le visage de la sentinelle.

— Et qui es-tu pour le demander ?

— Je suis Sieur Tristan de la Corène, messager de la couronne de Nelestran, porteur d'une missive de la reine Sofia de Roc-Argent, souveraine de Nelestran et de toutes les terres au sud de cette frontière, énonça-t-il en imitant parfaitement la froideur hautaine de la noblesse.

Cette fois-ci, le garde ne fit pas que tiquer et tout son visage s'empourpra de colère. Ses doigts se resserrèrent sur la poignée de son arme et un éclair d'acier étincela hors de son fourreau. Jeremy aurait pu jurer que Willem s'était mis à grogner.

C'est alors que le second homme, jusqu'ici silencieux, posa sa main sur l'épaule de son compagnon et lui murmura quelques mots à l'oreille.

L'autre rengaina sa lame et fit un pas en arrière, sans quitter Willem des yeux, puis se détourna et s'éloigna vers l'extrémité volghienne du pont.

— Si vous voulez bien laisser vos chevaux, annonça le second rebelle d'une voix aimable, je vais vous conduire à celui que vous demandez.

Jeremy approuva du chef et lui et Willem descendirent de leurs montures et s'approchèrent en les tenant par la bride.

— Pas lui, fit le rebelle en désignant le faux garde du menton. Lui, il reste ici.

Willem se raidit, mais Jeremy lui fit signe que tout allait bien.

— C'est bon, souffla-t-il avant de continuer un ton plus haut. Très bien, je vous suis.

— Je dois d'abord m'assurer que vous n'avez pas d'armes.

— Bien sûr.

Après une fouille rapide où le garde manqua trois dagues, un lasso et deux poignards de lancer, Jeremy le suivit jusqu'au campement de l'autre côté du pont.

Aren ne s'était pas trompé. Deux tentes assez vastes pour accueillir chacune une dizaine de personnes avaient été montées là, entourant un foyer qui diffusait une chaleur agréable dans tout le périmètre. L'ensemble était situé à une vingtaine de mètres du pont, légèrement en retrait de la route dans une demi-clairière cernée par les bois.

Un jeu de rois et de pions 1 - Nous qui sommes des ombresWhere stories live. Discover now