Chapitre 4

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Des flammes.

Des flammes partout.

Des cendres.

De la fumée.

Jeremy mit son bras devant son nez pour se protéger mais fut pris d'une violente quinte de toux. Quand il se redressa, la respiration sifflante, les yeux rouges et larmoyants, c'était toujours le même enfer qui lui faisait face.

Ses hommes et lui étaient partis sur les traces du prince Loenn immédiatement après l'ordre de la reine. Il avait rassemblé les trois premiers pisteurs qu'il avait pu trouver et ils avaient sauté sur leurs chevaux les plus rapides.

Grâce à ses prérogatives de conseiller, il connaissait l'itinéraire qu'avait emprunté le prince et ils le remontèrent à toute allure, espérant y trouver les indices d'un combat et une piste à remonter.

Ils l'avaient identifiée sans problème.

Les cadavres des soldats étaient encore sur place, laissés en travers de la route, là où ils étaient tombés. Jeremy leur avait fermé les yeux, le visage dur. Les flèches qui les avaient touchées étaient volghiennes. Le doute, si doute il y avait eu, n'était plus permis.

Cette fois-ci, les rebelles avaient dépassé les limites.

Guidé par ses hommes, ils avaient suivi la piste qui s'éloignait dans la forêt. Ils avaient reconstruit la scène du massacre avant de tomber sur le charnier où avaient été entassés les corps du reste de l'escorte. Alors que ses hommes s'éloignaient en frémissant d'horreur ou en vidant leurs intestins dans les buissons, Jeremy s'était approché et avait compté les cadavres. Vingt-trois. Plus les quatre qui étaient sur la route, cela montait leur nombre à vingt-sept. Il ferma les yeux.

A part le prince, ils étaient tous morts.

Tous.

Il connaissait certains de ces hommes, leurs familles. Des familles qui attendaient leur retour, et qui attendraient en vain. Il sentit une boule se former dans sa gorge mais s'interdit de penser plus avant aux conséquences.

Avec un signe pour ses hommes, ils firent demi-tour et retournèrent sur la route. Là, il les envoya remonter la trace des rebelles en leur ordonnant de jalonner la piste derrière eux afin de gagner du temps. Lui-même s'assit sur le bord du chemin, se préparant à la longue attente du détachement de soldats envoyés par la reine.

Il avait la sensation qu'il aurait pu faire trois fois l'aller-retour quand ils arrivèrent enfin.

Jeremy avait résumé la situation à leur chef, un capitaine vétéran de la guerre des 600 - comme lui - qui l'avait écouté d'un air grave. Puis il les avait guidés dans les bois, le long de la piste. Un silence glaçant était tombé sur les quelques trente hommes du détachement en passant près de leurs camarades morts, et Jeremy avait senti un voile noir descendre sur leur groupe alors que les regards se creusaient.

La douleur et la perte avaient parfois ce genre d'effet sur les hommes.

Ils avaient remonté la piste jusqu'au soir, avançant rapidement grâce aux efforts de ses pisteurs qui allaient et venaient inlassablement. La piste des rebelles était ténue et presque effacée, mais – sans fausse modestie – les hommes de Jeremy étaient les meilleurs. Ils avaient franchi la Rivière Cendrée à guet et avaient poursuivi la traque en Volghie jusqu'à ce que la nuit les rattrape.

Ils avaient poursuivi malgré tout, Jeremy courbé en deux sur son cheval pour ne pas manquer les traces laissées par ses hommes, avant que des nuages ne viennent cacher la pâle lumière de la lune et ne les forcent à monter le camp.

Un jeu de rois et de pions 1 - Nous qui sommes des ombresWhere stories live. Discover now