Chapitre 9

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Avant même d'ouvrir les yeux, il sentit que quelque chose n'était pas normal.

Il était sur le dos.

Il n'avait pas froid.

Il ne sentait pas la pierre sous ses omoplates.

Les odeurs de mort et d'urine étaient absentes.

A la place, un arôme qu'il n'avait pas senti depuis, semblait-il, une éternité. Il eut besoin de longues secondes pour remettre un nom dessus. De la lavande.

Était-il... mort ?

Il tenta de bouger la main et sentit quelque chose de très doux sous ses doigts. Il étendit son exploration pour en chercher les contours mais ne les trouva pas.

Un lit.

Par les cieux. Il était dans un lit.

Un frisson descendit tout son corps et ses mains se crispèrent sur les couvertures. C'était à la fois une sensation extraordinaire, et la preuve que quelque chose d'anormal s'était produit. Quelque chose qu'il ne connaissait pas, qu'il ne maîtrisait pas. Quelque chose qui, pour l'instant, le terrifiait.

Une voix retentit à sa droite. Une voix claire, ferme, et dont l'intonation faisait penser à une question, même s'il n'en saisit pas les mots.

Il ouvrit les yeux.

Son regard rencontra d'abord un plafond orné, couru le long d'un mur de pierres noires pour atteindre une fenêtre. Une fenêtre ! Il redescendit le long d'une porte de bois rehaussée de fer, se posa sur le lit couvert d'une impressionnante quantité de couvertures, pour tomber enfin sur l'origine de la voix.

C'était une jeune femme. Nonchalamment assise dans un fauteuil à côté d'une cheminée ronflante, elle était vêtue de cuir et avait passé une longue jambe par-dessus l'accoudoir. Elle le dévisageait d'un air mi-intrigué, mi-ennuyée.

Elle haussa les sourcils en croisant son regard, et réitéra sa question.

L'homme cligna des yeux. Une nouvelle fois, ce fut comme si une bonde venait de sauter dans son cerveau.

— Tu es réveillé ?

Il la regarda sans rien dire. Il ne savait pas quoi répondre. Son esprit tournait dans le vide, comme s'il avait oublié comment utiliser les mots dans les ténèbres humides d'où il venait. Que devait-il répondre ?

Il se sentit perdu.

Il avait besoin de savoir, de comprendre, mais même s'il avait pu parler, il réalisa qu'il n'aurait pas su quoi demander.

Il finit par hocher la tête, guettant sa réaction.

La jeune femme eut un petit rire qui n'atteignit pas ses yeux.

— Tant de questions dans ce regard ! Pour l'instant, tu as juste besoin de savoir que tu es en sécurité. Tu dois te reposer et reprendre des forces. Le temps des questions viendra plus tard. Dors.

En sécurité ? Une partie depuis longtemps enfouie de l'esprit du prisonnier se réveilla à ce mot et ricana doucement.

Pouvait-on vraiment être en sécurité quelque part quand ses propres démons étaient en soi ?

Mais l'épuisement eut raison de lui, sa vision se fit trouble et le sommeil l'emporta encore une fois.

*

**

Quand il rouvrit les yeux, il était seul.

Son regard parcouru lentement la chambre - car c'était une chambre - dans laquelle il avait été transporté, non sans noter au passage les barreaux à la fenêtre qui lui avaient échappés la première fois. La porte, bien sûr, était close. Aucun bruit ne lui parvenait de l'extérieur. Le sol était couvert de tapis aux mêmes motifs sombres que celui sur lequel il s'était évanoui précédemment, et le feu brûlait dans la cheminée.

Un jeu de rois et de pions 1 - Nous qui sommes des ombresWhere stories live. Discover now