Chapitre 8

25 9 8
                                    

Un jour, la porte s'ouvrit.

La lumière. Brûlante.

Des voix.

De la surprise. De la colère.

Il ne bougea pas.

Tout cela ne le concernait pas. Ne le concernait plus.

Pourtant, une main vint le tirer du coin dans lequel il était blotti, contre la pierre froide, à même le sol.

Il se laissa emporter.

Ils marchaient dans le couloir de la prison. Deux gardes le tenaient, ou plutôt le soutenaient, car ses jambes étaient trop faibles pour le porter aussi longtemps.

On pouvait compter ses côtes sous sa tenue déchirée.

S'étaient-ils souvenus de lui, finalement ?

La dernière fois qu'il avait parcouru ce couloir, son sang en avait taché toute la longueur.

Cette fois-ci, il ne survivrait pas à ces traitements. Mais même cela n'avait plus tellement d'importance.

Au dernier moment, le couloir changea. Non, c'était eux qui avaient changé. Ils venaient de tourner dans un autre couloir.

Une alarme s'alluma quelque part au fond de son esprit endormi.

Maintenant, ils montaient.

Ses pieds heurtèrent la pierre.

Encore. Et encore.

Des escaliers.

Il rassembla ses forces pour lever la tête. Devant lui, une cape. Une capuche. Le dos de quelqu'un qui marchait, le pas rageur. Il crut voir une épée à son flanc, mais il n'en était pas sûr. Il laissa retomber sa tête. Ferma les yeux.

Quelle importance ?

Tout cela ne le concernait plus.

Le bruit du bois raclant la pierre le tira de sa torpeur. Il n'eut pas le temps de réaliser ce qu'il se passait que la lumière le submergea. Le brûla. Affolé, il eut un hoquet, paniqua, chercha à se débattre. Ses gardiens rigolèrent et resserrèrent sans effort leur prise sur ses bras trop maigres. La personne devant lui pivota et aboya un ordre qui fit cesser leurs ricanements.

Le jour lui brûlait les yeux. Il sentit des larmes rouler sur ses joues sans savoir si c'était à cause de la luminosité ou parce qu'il n'avait jamais pensé revoir le ciel un jour.

Au-dessus de lui, tout était blanc. Le soleil était absent, caché derrière les nuages, mais pour lui, c'était une caresse divine. Il laissa échapper un sanglot.

Soudain, une main lui saisit le menton et l'obligea à relever la tête. La personne à la capuche plongea son regard dans le sien. A travers ses larmes, il ne vit rien d'autre que deux yeux noirs. La lumière le brûlait.

Par les cieux, que c'était bon.

Il entendit quelqu'un parler. Encore un ordre.

On le transporta. Une porte se ferma dans un raclement sourd et la lumière disparu. Il soupira de soulagement et de désespoir.

Les deux gardiens qui le tenaient se faisait vertement tancer par la troisième personne. Ils ne répondirent pas.

Ils repartirent en silence, seulement rythmés par le bruit des bottes sonnant sur la pierre. Il sentait quelque chose de frais et de lisse sous ses pieds nus, qui traînaient plus qu'ils ne marchaient, à présent. Sa tête tournait.

Encore une porte. Tout à coup, la température augmenta.

Les gardent le lâchèrent. Il tomba à quatre pattes sur un épais tapis aux motifs marron, gris et argent.

Une voix retentit derrière lui. Une voix sèche. Celle qui donnait des ordres.

Il comprit que les gardes étaient partis.

Une autre voix répondit devant lui.

Son cerveau épuisé par les privations tentait désespérément de comprendre la situation. Mais cela faisait longtemps, tellement longtemps.

Il était si fatigué.

Sa tête tournait de plus en plus.

Une main aux doigts frêles entra dans son champ de vision et lui saisit fermement le menton, le forçant une nouvelle fois à relever la tête. Le monde tangua avant de se stabiliser.

La femme qui l'observait alors avait des yeux clairs comme la neige fraîche et des cheveux à peine plus foncés. Il eut le temps d'apercevoir un reflet brillant sur sa tête avant de se faire capturer par ce regard inquisiteur, glacial, qui le scruta avec intensité.

Les yeux blancs se plissèrent. Pendant une fraction de seconde, l'expression changea avant de se lisser de nouveau. De la pitié. Ou du dégoût. Peut-être.

Les deux personnes discutaient. Il reconnut des voix de femmes. La lumière se fit dans son esprit embué, et se fut comme si ses oreilles se débouchaient d'un coup.

- Il ne peut pas rester dans cet état, disait la première voix, celle de la femme aux yeux d'argent. C'est une chance qu'il soit encore vivant.

- C'est tout juste, acquiesça la seconde voix, celle qui donnait des ordres.

- Il faut que ça change, répliqua la première. Ce sera ta mission. Sois discrète. Tu comprends ?

- Oui, Votre Majesté.

Et soudain, ce fut trop pour l'organisme et les sens surmenés du prisonnier. Il sentit le noir salvateur le prendre dans ses bras et l'emporter.

Un jeu de rois et de pions 1 - Nous qui sommes des ombresWhere stories live. Discover now