Chapitre 10

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Ça fait deux jours, Mia.

— Oui, et ?

— Il n'a toujours rien dit.

Mia soupira et pivota sur sa selle pour observer son amie Lilia.

— Qu'est-ce que tu veux qu'il dise ? Il n'est même pas encore assez grand pour avoir une barbe et il a été enlevé par les ennemis de sa mère. Qu'il se taise si ça lui chante, au moins il ne pleurniche pas.

Les deux femmes chevauchaient en tête d'un groupe qui s'étirait sur des centaines de pas derrière elles.

Seule une dizaine de personnes avait pris la route avec elles deux jours plus tôt lorsqu'ils avaient quitté le campement de Kush. Les autres étaient repartis dans tout le pays propager la nouvelle et se préparer à ce qui allait venir.

Ils allaient à cheval, hommes et femmes confondus, certains à peine sortis de l'adolescence et d'autres aux cheveux déjà blancs.

Ils se dirigeaient vers le sud-est, traversant cette région rurale et agricole de la Volghie où l'influence du roi s'atténuait au fur et à mesure que les fermes se faisaient plus délabrées. C'était une région oubliée qui avait le tort de ne fournir que de la nourriture, peinant à l'extraire d'une terre moins fertile qu'à l'ouest. Il y avait peu de villages, mais de vastes fermes qui abritaient parfois plusieurs familles s'entraidant pour gérer cultures et bêtes. Le silence rugueux de la campagne était de mise et les rebelles avaient depuis longtemps implanté leurs racines dans cette région farouche.

Ils cheminaient sur des petits sentiers qui reliaient les fermes entre elles quand ils existaient, ou en bordure de champ quand ce n'était pas le cas. Le paysage et les terres nues de l'hiver étaient monotones, seulement brisés par quelques collines et quelques bosquets d'arbres dénudés.

Juste derrière les deux femmes, le vieux Stovy devait sans cesse remonter ses lunettes son nez à cause des cahots de la route. Il accomplissait l'exploit d'être plongé dans un gros ouvrage tout en menant sa monture. Le tout avec un succès mitigé, et son cheval en profitait régulièrement pour brouter l'herbe rare du bas-côté. Les sourcils froncés et l'air très concentré, il aurait tout aussi bien pu se trouver dans un autre monde.

Derrière lui venaient quatre hommes. Trois d'entre eux étaient de solides gaillards bien armés, à l'air sombre. Tchaek était de ceux-là. Ils entouraient une quatrième personne, la soumettant à une surveillance à peine masquée. Le prince allait les yeux bandés et les mains liées devant lui. Son cheval était guidé par l'un de ses gardiens et il gardait la tête basse.

La queue du groupe s'étirait au pas des chevaux de bas qui transportaient le reste de leurs affaires.

Ils cheminaient depuis l'aube en espérant atteindre dans quatre jours le camp rebelle des petites pierres. Ce dernier était situé à l'extrémité sud-est du pays, dans une région encore plus reculée où ils seraient en sécurité pour attendre la réponse de la reine.

Lilia remua sur sa selle, mal à l'aise. Son cheval, un pie solide aux lourds sabots, souffla par les nasaux et elle lui flatta l'encolure pour le rassurer.

— On ne devrait pas, je ne sais pas, lui poser des questions ? reprit-elle.

Mia lui jeta un regard amusé.

— Si, on pourrait. Pourquoi t'inquiètes-tu autant pour lui ?

— Je ne m'inquiète pas, mentit la jeune femme en rosissant légèrement.

Elle se redressa sur sa selle, le dos droit, une expression résolue plaquée sur le visage.

— C'est juste un enfant...

Un jeu de rois et de pions 1 - Nous qui sommes des ombresOnde histórias criam vida. Descubra agora