Chapitre 42

23 4 11
                                    

Les deux délégations se faisaient face de part et d'autre de la faille.

La reine était accompagnée d'une petite dizaine d'hommes, la plupart étant des soldats faeries de sa garde personnelle, l'élite des troupes du royaume. Jeremy avait introduit quelques-uns de ses espions parmi eux, dotés de capacités bien différentes. C'étaient les soldats qui avaient fait la route avec elle, le premier groupe n'ayant jamais atteint sa destination.

Tous étaient debout, faisant un rempart de leurs corps autour de Sa Majesté Sofia, souveraine des Terres du Nord, souveraine du Nelestran et de la Volghie. Cette dernière se tenait fièrement dressée, le dos droit, à quelques mètres du bord de la faille.

Sa couronne étincelait sur sa tête alors qu'elle avait délaissé ses atours de cour pour une tenue de voyage rehaussée d'hermine et une cape qui claquait derrière elle. Elle n'était pas armée — bien entendu — mais personne en la voyant ainsi n'aurait pu douter de son statut et de son rang. Elle irradiait la puissance, l'assurance.

Et la colère contenue.

Face à elle, du côté volghien de la faille, se tenait un groupe de personnes assez disparates. Trois d'entre elles étaient postés comme elle au bord de l'abîme tandis que deux autres étaient restés légèrement en retrait. L'une de ces deux personnes était le prince Loenn, trop loin pour que la reine ne puisse saisir son expression. Néanmoins, il avait l'air en bonne santé.

L'homme qui se tenait à son côté arborait une courte barbe noire et observait la scène comme s'il ne ressentait qu'un mépris souverain. Il maintenait fermement le bras du prince, même si celui-ci ne donnait pas l'impression de chercher à se débattre ou à fuir. De toute façon, où aurait-il pu aller ?

Mais la reine n'eut pas le loisir de les étudier plus avant, car les trois personnes présentes juste devant elle retenaient toute son attention.

Mia Stevasnia Sarikhan était la première d'entre eux.

Perchée au bord de la falaise comme pour défier le vide, elle avait les bras croisés dans une attitude emplie de fierté, ses cheveux noués en une longue tresse dans son dos. Son visage fermé ne trahissait qu'une résolution d'acier. À l'instar de ses compagnons, elle était vêtue simplement, d'un pourpoint marron et d'un pantalon assorti, et un manteau usé voltigeait sous les assauts du vent.

Le second était plus vieux, ses cheveux étaient blancs et ses yeux disparaissaient derrière des lunettes cerclées de métal. Il était penché en avant et semblait écouter avec attention. La troisième personne était beaucoup plus jeune, peut-être vingt ans. Ses cheveux roux et bouclés ondulaient dans son dos en réponse aux caprices des rafales. Elle se tenait légèrement en retrait des deux autres, et la reine Sofia se demanda quel était son rôle.

— Vos conditions sont inacceptables, reprit-elle en nelestran, glaciale. Il est hors de question que j'accède à vos revendications ridicules. J'étais prête à discuter avec vous d'une solution, mais je ne gaspillerai pas une minute de plus à écouter vos jérémiades. Vous en demandez toujours plus. Revenez à des positions plus raisonnables, ou à force d'être trop gourmands, vous allez tout perdre.

— Ne jouez pas à cela avec moi, prévint Sarikhan d'une voix forte avec un fort accent volghien, vous avez menti en disant accepter nos conditions, mais vous n'avez jamais eu l'intention de nous écouter. Pourquoi être venue si c'est pour refuser toute entente ?

— Pensez-vous que j'aurais pris la peine de me déplacer si je ne croyais pas pouvoir parvenir à un accord ? Mais il va falloir vous montrer raisonnables. Vous n'êtes pas en position de négocier.

— Ah, vraiment ? releva Sarikhan. Tenez-vous si peu à la vie de votre fils ?

Elle fit un geste vers le prince.

Un jeu de rois et de pions 1 - Nous qui sommes des ombresTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang