Chapitre 23a

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Debout ! s'écria Isine en donnant un coup dans le lit avec l'épée en bois qu'elle tenait dans sa main.

Enfoui sous ses couvertures, Dzangher grommela quelque chose d'indistinct et ses doigts apparurent juste le temps d'esquisser un geste obscène et tirer ses draps sur sa tête.

La jeune femme gloussa et arracha l'ensemble des couvertures, draps et autres édredons d'un coup sec.

Pour le coup, le général ouvrit grand les yeux et se redressa en la foudroyant du regard.

Elle lui adressa un sourire éclatant.

— Bonjour ! J'espère que tu as bien dormi parce qu'aujourd'hui, j'ai décidé qu'il était grand temps que je travaille un peu mon escrime.

— Et c'est une raison pour me tirer du lit aux aurores ?

— Aux aurores ? La moitié de la matinée est déjà passée. Comment as-tu pu être militaire en étant incapable de te lever tôt ?

— J'en suis capable quand il y a une bonne raison, grommela Dzangher en sortant du lit pour aller raviver le feu.

La jeune femme profita du fait qu'il était occupé avec l'âtre pour l'examiner. Il ne portait qu'une chemise et un pantalon de toile, et même s'il était encore loin d'avoir le physique de ses opposants habituels, on devinait sous le tissu son corps tout en nerfs typique des halfelins. Mais il n'avait plus la maigreur squelettique avec laquelle il était arrivé à peine quelques semaines plus tôt. Isine pencha la tête sur le côté. Oui, ça ferait l'affaire.

Il se releva en se frottant les mains et se retourna pour lui faire face.

— Quoi ? fit-il en constatant qu'elle le regardait. Qu'est-ce que j'ai fait encore ?

— Rien. Je me demandais juste si tu serais assez résistant pour tenir plus d'une minute ou deux.

— Et ?

— J'ai quelques doutes.

— Super, je vais me recoucher.

Isine fronça les sourcils.

— Ce n'est pas normal que tu dormes autant, tu es sûr que tu n'as pas un problème ?

— La question n'est pas tellement de dormir autant, mais de dormir mal.

— Des cauchemars ?

— Hmm.

— Bon, alors ce n'est pas grave, conclut la jeune femme. Attrape des vêtements chauds. Je t'attends.

— On va où ?

— Tu verras.

Le vent était faible et le soleil perçait timidement entre les nuages quand ils atteignirent le sommet de la tour qu'elle avait sélectionnée. Celle-ci était située à l'écart des parties habitées du château, suffisamment pour qu'elle et ses collègues s'y entraînent parfois. Mais ce matin, elle s'était assurée qu'ils seraient seuls.

Dzangher fit le tour de la plateforme ouverte aux quatre vents, laissant sa main courir sur le parapet placé à hauteur de hanche tout en parcourant l'horizon du regard. Quand il revint vers le centre de l'espace, Isine l'attendait, appuyée sur les deux épées de bois qu'elle avait apportées.

— Ce n'est pas dangereux d'entraîner un ennemi de la couronne ? s'enquit-il en arrivant à son niveau.

— Moi je m'entraîne, corrigea la jeune femme, toi tu essayes de ne pas me décevoir.

— Vu comme ça. Je peux ?

Elle lui tendit l'une des épées.

Il commença par la soupeser et jauger son équilibre, cherchant son point de bascule. Ses mouvements d'abord empruntés et maladroits gagnèrent en fermeté alors que ses anciens réflexes, des gestes répétés mille fois, lui revenaient peu à peu. Il fit quelques moulinets, s'échauffant les bras, passa la lame de bois d'une main dans l'autre et fit quelques enchaînements d'attaques et de parades dans le vide.

Un jeu de rois et de pions 1 - Nous qui sommes des ombresWhere stories live. Discover now