Chapitre 28a

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Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis qu'ils étaient repartis du Pont des Soupirs où avait eu lieu la rencontre avec l'émissaire de la reine. Comme Loenn l'avait deviné, sa mère avait mandaté Jeremy en personne pour lui servir d'intermédiaire.

Lors de la confrontation, Mia, le prince et les autres étaient restés cachés à proximité, hors de portée des hommes de Jeremy. Mia avait choisi d'envoyer Stovy à la rencontre de l'espion en misant sur son intelligence, et elle avait eu raison. Le vieil homme avait joué son rôle à merveille et ils avaient ainsi pu contrecarrer les plans de la reine.

Bien que Stovy leur ait raconté l'entrevue une dizaine de fois, Mia regrettait encore de n'avoir pu voir le désarroi du maître espion quand il avait compris que les rebelles l'avaient doublé.

« Deux fois », ne manquait pas de préciser Stovy, hilare.

Le récit de ce succès et l'espoir que cela leur donnait pour la suite des opérations contribuèrent à améliorer l'attitude des compagnons de Mia envers le prince. D'hostiles, ils étaient devenus méfiants quand il avait commencé à évoluer librement parmi eux, surveillé par un Tchaek tout aussi ombrageux. Mais à présent, ils avaient la preuve qu'il n'avait pas menti et essayait vraiment de les aider. Le groupe s'était peu à peu ouvert à lui et les rebelles invitaient maintenant Loenn tous les soirs à partager leur feu et leur repas.

Le jeune homme, qui se révélait d'un caractère facile et enjoué, n'avait eu aucun mal à s'intégrer et on n'aurait pu dire, à les voir discuter et rire ensemble, que l'un était prisonnier des autres.

Seul Tchaek gardait ses distances.

Au fur et à mesure que le prince Loenn gagnait sa place, il devenait de plus en plus sombre et taciturne. Chevauchant la plupart du temps en silence, il ne parlait plus qu'à ses hommes pour leur donner des ordres et à Mia lorsqu'elle venait demander ses conseils.

Il se fermait même à Lilia et celle-ci en souffrait.

Ils se dirigeaient sans se presser vers le monastère des Gorges Noires.

Les paysages qu'ils traversaient étaient cléments, faits de collines et de champs qui formaient un ensemble agricole vallonné. La misère était omniprésente mais lorsqu'ils s'arrêtaient pour une nuit ou quelques heures dans une ferme, ils étaient toujours reçus avec émotion. Mia devait empêcher les paysans de leur offrir de la nourriture et de l'eau. Elle tenait à payer chaque part qu'ils prenaient et ne manquait jamais de réconforter les familles et les enfants, auxquels elle distribuait sourires et espoir sans compter.

Mais bien qu'elle n'en laissât rien paraître, en son cœur, la graine du doute avait commencé à germer.

Stovy fut le seul à le remarquer.

Le quatrième jour après leur départ du Pont des Soupirs, alors qu'ils s'éloignaient peu à peu des champs pour entrer dans les contreforts des Monts Arrals — les Montagnes Noires — il se mit à pleuvoir. Une pluie fine et glaciale qui s'infiltra sous leurs vêtements malgré les lourds manteaux qu'ils portaient, et qui les transit jusqu'aux os.

Ce soir-là, ils s'arrêtèrent plus tôt que prévu et trouvèrent refuge dans une ferme abandonnée, coincée entre deux collines. Le bâtiment était en bon état, le toit ne fuyant que très peu, ce qui indiquait qu'il était encore occupé récemment.

En entrant dans cette solide bâtisse, faite pour résister aux caprices du temps et aux âges, Mia laissa sa main effleurer le mur. Les pierres seraient toujours les pierres. La maison tenait et tiendrait encore. Mais à quoi bon tenir s'il n'y avait plus personne pour y habiter ?

Un jeu de rois et de pions 1 - Nous qui sommes des ombresWhere stories live. Discover now