Chapitre 21

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Le soleil allait en déclinant vers les toits des maisons de Roc-Argent quand Isine entra dans la chambre de Dzangher avec un gros paquet sous le bras. Elle claqua la porte derrière elle mais le prisonnier qui lisait blotti dans le fauteuil, ne daigna pas broncher.

La jeune femme eut une moue déçue et se dirigea vers lui et se pencha par-dessus son épaule pour déchiffrer quelques mots. Elle haussa les sourcils et observa rapidement la pile d'ouvrages déjà lus qu'il entassait consciencieusement sur le linteau de la cheminée.

— C'est le dernier ?

— Hmm-hmm, fit-il sans lever les yeux de son livre.

La jeune femme soupira et nota cette nouvelle tâche sur sa liste mentale. Sa propre réserve de livres — pas si fournie que ça — n'allait peut-être pas suffire. Elle allait devoir trouver une solution. Mais en attendant...

— Allez, debout, lança-t-elle en donnant un coup de pied dans le fauteuil.

Il fit claquer son livre d'un geste mécontent et leva les yeux vers elle.

— Pourquoi ? Que se passe-t-il ?

En guise de réponse, elle lui balança le paquet directement dans les bras, avec un grand sourire. Il s'en saisit de justesse, déposant en catastrophe son ouvrage à côté de lui.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Ouvre.

Un peu méfiant, il commença à écarter l'emballage de papier et en sortit un long tube de tissu noir qu'il examina avec circonspection avant de se tourner vers elle, incertain.

— C'est un pantalon, fit-elle d'un ton exaspéré. Tu le tiens à l'envers (« Oh ! »). Il y a aussi un pull et un manteau. De quoi rester dehors un bon moment.

Il se raidit imperceptiblement et ses mains se figèrent sur le paquet qu'il était en train d'explorer.

— On ne va t'emmener nulle part, cru bon de préciser Isine devant sa réaction. Ce soir, c'est la fête de la Lune. On va juste aller y faire un tour pour te changer les idées. Tu connais cette fête, n'est-ce pas ?

— C'était la plus importante festivité de l'hiver, là d'où je viens, fit-il d'un ton rêveur. On faisait un grand feu et on y brûlait tout ce que l'on voulait voir disparaître, pour l'offrir à l'hiver. Et si le feu montait assez haut — jusqu'à la lune — alors on disait que l'hiver passerait plus vite.

— C'est ça. Allez, habille-toi.

Il prit le paquet et se dirigea vers la salle de bain qui jouxtait la chambre mais la voix d'Isine le fit stopper net.

— Non. Ici. Ou je devrai te fouiller après.

Il se retourna lentement.

— Pourquoi ?

— Nous allons sortir à l'extérieur du château et cela représente un risque. Pour toi. Pour moi. Pour tout le monde. Je dois m'assurer que tu ne vas pas tenter quelque chose de stupide.

— Je ne tenterai rien de stupide.

La jeune femme haussa les épaules.

— C'est ta parole. Moi, je veux des faits. Où est le problème ?

— Je... n'aime pas ça, c'est tout.

— Je t'ai déjà vu quand tu étais inconscient, si c'est ça qui te dérange. Maintenant si tu préfères que je te fouille, c'est toi qui vois.

Une expression étrange passa sur ses traits et il se mordit la lèvre en détournant les yeux. Puis ses épaules s'abaissèrent et il se dirigea à pas lents vers le fauteuil où il entreprit de se débarrasser de sa veste et de son pantalon de toile.

Un jeu de rois et de pions 1 - Nous qui sommes des ombresWhere stories live. Discover now