prologue

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OCTAVIA

C'était un beau jour de printemps : les oiseaux chantaient, les arbres fleurissaient et les ballerines à talons remplaçaient les bottes fourrées aux pieds des hit-girls. J'étais malade depuis quelques jours à cause de mes allergies au pollen et je me demandais comment était-il possible qu'après des millénaires d'évolution, l'être humain puisse toujours être aussi fragile face à de stupides fleurs.

J'étais assise sur l'une des chaises en plastiques blanches du bâtiment de l'administration de mon lycée et je battais impatiemment du pied, incapable de rester tranquille plus de quelques secondes. Ce rendez-vous avec le psychologue scolaire était une véritable perte de temps mais on m'avait obligé à le suivre si je voulais éviter l'infâme punition qu'était le renvoi définitif.

Étais-je une enfant à problèmes ? Je crois que c'est ainsi que la société appelle les gamins comme moi. En réalité, je n'étais qu'une jeune fille absolument géniale, mais personne ne semblait le remarquer. Je me distinguais par mon travail inexistant en classe et j'avais tendance à toujours me trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Mais cette fois semblait être la fois de trop : les enseignants et les conseillers d'orientations ne savaient plus quoi faire de moi.

Mon sac à dos Eastpak rose fluo recouvert de dessins au marqueur noir trônait à mes pieds et j'avais l'air tout droit sorti d'un vieux clip d'Avril Lavigne avec mon débardeur blanc accompagné d'une cravate noire à rayures, d'un pantalon baggy retenu par une ceinture à damier rose, mes mitaines et mes converses blanches délavées depuis bien trop longtemps.

Oui, j'étais le cliché parfait de l'élève à problème et je me fichais bien de ce que l'on pouvait penser de moi. Après tout, c'était ce que j'étais.

Mes cheveux auburns étaient lissés et agrémentés de plumes et autres bijoux. Je détestais mes cheveux. J'aurais aimé avoir de longs cheveux blonds et lisses comme les filles des magazines, celles qui intéressaient les garçons et ne finissaient pas en retenue tous les mercredis après-midi. Au lieu de cela, j'étais obligée de lisser les miens tous les matins pour éviter de faire ressortir mes frisottis naturels. D'ailleurs, l'une de mes mèches s'était calée devant mes yeux, coupant le confort de ma lecture. Les yeux rivés sur mon livre, j'ai soufflé dessus dans l'espoir de la faire fuir, ce qui fut vain.

C'est à ce moment que la porte s'est ouverte. J'ai soupiré et j'ai corné la page avant de refermer mon livre et de lever les yeux pour découvrir, non pas le psychologue scolaire, mais une fille de mon âge. Un peu plus grande que moi, de longs cheveux noirs encadraient son visage : le teint blafarde, la mâchoire marquée, des yeux bruns inexpressifs, elle m'a tout de suite plu.

Je n'étais guère sociable, les seules personnes que je cotŷais étaient les autres gamins à problèmes des retenues du mercredi dont Zade, le gamin toujours accusé de vol par le prof de maths raciste ; Ellie, celle qui passait son temps à dessiner des caricatures de profs sur ses devoirs et Martin qui était... indescriptible.

La fille s'est assise à deux chaises de moi et a sorti son téléphone. Les yeux baissés sur son écran, une ride d'inquiétude marquait son front. Elle a levé les yeux sur l'horloge au-dessus de la porte du secrétariat avant de froncer les sourcils. À ma connaissance, cette horloge n'a jamais fonctionné.

– T'es là pour quoi toi ? ai-je demandé.

Elle a sursauté et s'est tournée vers moi, étonnée. J'avais l'impression qu'elle venait tout juste de remarquer ma présence. Elle m'a jaugé du regard puis a baissé les yeux sur son téléphone.

J'ai haussé un sourcil, intriguée, avant d'hausser les épaules et de rouvrir mon livre. Les minutes qui ont suivi se sont déroulées dans un silence pesant. La fille à côté de moi n'arrêtait pas de bouger, mal à l'aise, et j'avais l'impression que c'était la première fois qu'elle mettait les pieds dans ce couloirs. Elle ne cessait de regarder l'heure, d'ouvrir et fermer son sac pour vérifier que je-ne-sais-quelle-affaire était bien à sa place, et le boucan qu'elle faisait commençait à sérieusement me taper sur le système.

Finalement, elle a posé la question qui la tourmentait :

– Tu as rendez-vous à quelle heure ?

– Il y a quinze minutes, ai-je répondu sans lever les yeux de mon livre. Dupont est toujours en retard, si j'étais toi, je prendrais de quoi m'occuper.

Elle n'a pas répondu.

Je me suis de nouveau tournée vers elle :

– Eh...

Elle a relevé les yeux vers moi.

– Ça va bien se passer, ai-je dit. Il sent le café et ses chemises datent du siècle passé, mais à part ça, c'est pas un type méchant.

Elle a souri.

– Merci.

– Tu t'appelles comment ? ai-je demandé.

– Ginny. Et toi ?

– Octavia.


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this is me trying || Amour SucréWhere stories live. Discover now