épisode cinquante-huit

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illustration :  la famille du bonheur (aka Mark, Octavia, Emma -me jugez pas, j'avais pas d'idée)

MARK

Un an plus tôt...

– Lame de 10, je demande.

L'infirmier de bloc me donne l'outil que je saisis sans lâcher des yeux la plaie de mon patient.

Les minutes passent sans que je ne m'en rende compte, trop concentrée sur ma tâche pour penser à autre chose. C'est le but du jeu : promettre à nos patients et à leurs familles que, l'espace de quelques heures, ils sont notre priorité.

J'entends la porte du bloc s'ouvrir et ma vision périphérique m'indique la présence de notre chef de chirurgie, un masque devant le visage.

– Mark ?

– Je suis un peu occupé Zach.

– Votre opération doit durer encore combien de temps ?

– Ce pauvre homme a une tumeur de la taille d'un raisin coincé entre son lobe occipital et pariétal, cela risque de me prendre encore quelques heures.

Zach se détourne et fait un signe de tête vers la salle pré-op. Sasha, la meilleure neuro que cet hôpital puisse avoir après moi, fait son entrée.

Je lui lance un regard, les sourcils froncés, et reporte mon attention sur le cerveau endommagé de mon patient.

– Docteur Rogers, reprend Zach. Je vais vous demander de vous éloigner immédiatement de votre patient.

Ma main arrête immédiatement de bouger en entendant le ton employé par mon supérieur. Zach ne m'appelle plus ainsi depuis la fin de mon internat. Il n'est pas là en tant qu'ami ou collègue, il est là en tant que supérieur.

– Puis-je connaître la raison d'un tel ordre ? je demande.

– Pas tant que vous aurez un bistouri dans les mains.

Sasha s'approche de moi et tend la main dans l'attention que je lui donne, ce que je ne fais pas. Je n'ai jamais abandonné le bloc, pas même après une garde de 38 heures, ni quand un dingue est entré dans l'hôpital avec un flingue comme dans une mauvaise série médicale. Ce n'est certainement pas aujourd'hui, alors que je suis au beau milieu d'une intervention que je prépare depuis des mois que je vais abandonner. Quoi qu'il se passe à l'extérieur du bloc, cela attendra. Je ne comprends même pas que Zach ait osé entrer dans bloc, il y a tout un tas de règles dans le milieu médical et la première est qu'il ne faut jamais interrompre une intervention.

– Docteur Rogers j'insiste.

– Insistez tant que vous voulez, cela ne changera rien.

Seul le silence me répond alors que tout le bloc retient son souffle. Rare sont ceux à oser s'opposer au chef. Je me le permets parce que Zach a été mon mentor et qu'on se connaît mieux que quiconque, il sait que je ne lâche pas l'affaire aussi facilement et je sais qu'il agira toujours en faveur de ses patients, de son personnel et de cet hôpital.

– Docteur Rogers, insiste-t-il. Je suis votre chef et si je vous dit de quitter ce bloc, vous le faites.

– À moins qu'une bombe soit sur le point d'exploser dans le bloc d'à côté, vous n'avez aucune chance de me convaincre de quitter le mien, je rétorque. Je suis la dernière chance de ce patient et j'ai promis à sa famille de faire tout ce que je pourrai pour l'aider alors je vous le dis une dernière fois : quelle que soit la crise, elle attendra.

Zach soupire et s'avance vers moi.

– Mark, dit-il à voix basse. Crois-moi, il faut que tu sortes de ce bloc.

this is me trying || Amour SucréWhere stories live. Discover now