10. Dancing girls (2/3)

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Laura tenait absolument à rencontrer Marion après le compte-rendu de notre escapade au Domaine des Anges et la manière dont elle avait géré la situation. Anne travaillait sur un projet urgent alors nous étions sorties toutes les trois.

– Mais c'est quand même une histoire de dingue, réaffirmait Marion en sirotant son verre.

Le petit parapluie bleu l'agaçait et elle l'envoya valdinguer sur la table.

– T'es Wonder Woman en tout cas ! déclara Laura en trinquant avec elle.

– J'aurais été dans de beaux draps s'il m'avait vue. Adieu le mariage, mon contrat, ma fierté... Marion, jure-moi que je ne fumerais plus.

– Hein, quelqu'un a dit « Gouda » ? ironisa-t-elle.

Les éclats de rire de ma meilleure amie se mêlèrent aux siens.

– Touché ! répliquai-je.

– Oh, Amanda, s'il te plaît, il faut que je les voie aussi ! Tu veux bien m'embaucher comme extra à leur mariage ?

Laura avait été serveuse pendant cinq ans pour payer ses études.

– Sérieusement ?

– Oui, oui, sérieusement ! Ce n'est pas juste que seule Marion ait le droit au spectacle en direct. Tu me dis, je veux bien renfiler ma casquette de serveuse pour le samedi ! On va bien s'amuser !

– Oh alors, c'est d'accord ! Je verrais ce que je peux faire.

Nous étions galvanisées par cette idée.

– Trop fort ! Ça va être énorme !

Un groupe de musique s'installa dans le bar et dès lors il fut plus difficile d'avoir une conversation. Malheureusement, ce n'était pas des musiciens que nous avions plaisir à écouter. J'avais mal pour eux, ils étaient jeunes et n'avaient pas dû faire beaucoup de scène. Laura et moi essayions de converser avec Marion, d'en apprendre un peu plus sur elle mais c'était impossible, le batteur semblait empêcher toute tentative. Pour dire, je faisais mieux en tapant sur mes casseroles. Il n'était pas encore minuit et nous convînmes de partir.

Laura dut s'y reprendre à deux fois pour s'extirper de la place, une Smart ambitieuse s'était insérée entre sa voiture et le conteneur poubelle. Nos ceintures n'étaient pas attachées que la conversation autour du mariage refit surface :

–  Mais, n'empêche avant de rencontrer Dimitri, à aucun moment tu n'as pensé que ça aurait pu être lui quand Chloé t'en a parlé ? demanda Marion qui trônait sur la banquette arrière.

Effectivement, j'avais repensé à ce détail car Dimitri est un prénom peu courant dans mon entourage. C'était encore aujourd'hui le seul que je connaissais qui le portait. Lorsque j'avais rencontré Chloé Desneiges la première fois et qu'elle avait nommé son mari absent, je n'avais absolument pas fait le lien avec mon amour de jeunesse. Et pourtant, comme vous l'aurez compris, il m'avait profondément marquée. Cette réflexion m'avait fait réaliser qu'un prénom n'est pas du tout autonome. Le simple prénom n'existe pas, il s'agit vraiment d'une personne. Le même prénom revêt une infinité d'apparences, de qualités, d'émotions, de ressentis et il est coincé selon son porteur par un espace et un temps. Ça c'est du pouvoir, n'est-ce pas ? Oui, je philosophais à mes heures perdues.

Alors je répondis honnêtement à Marion :

– Non, vraiment pas. Lorsqu'elle a prononcé son prénom, il n'y a eu aucun rappel conscient ou inconscient qui me renvoyait vers Dimitri Grévois.

– Tu crois au hasard ? poursuivit-elle.

– Je ne sais pas trop.

– Penses-y, des années plus tard, il revient à toi...

– Alors que tu l'avais cherché sans résultat, surenchérit Laura en jetant un œil dans le rétroviseur.

– Les filles, je vous rappelle qu'on parle de mon taf, là !

– J'avoue, je n'aimerais pas être à ta place.

– T'es célibataire, c'est ça le problème. Il faut qu'on te trouve un mec !

La cerise sur la pièce montée (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant