18. Le bal d'hiver (3/4)

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Les semaines qui suivirent le bal d'hiver, Dimitri et Tiphaine sortirent ensemble. Je fis tout pour l'oublier. Je n'en parlai plus et Laura se donna du mal pour me changer les idées. Au collège, c'était plus compliqué. La classe continuait de jaser sur leur baiser, jusque-là le seul dont nous avions été témoins.

Tiphaine m'insupportait à chacun de ses gestes. Pendant les cours de musique, où personne n'écoutait personne jouer de la flûte, elle s'amusait à lui écrire des mots doux (alors qu'ils étaient voisins) avec ses stylos senteurs pour lui faire deviner quel parfum c'était. En petit-ami dévoué, il se pliait au jeu sans broncher, mais son regard était blasé lorsqu'elle disait : Pop-corn, raisin et pêche sont mes préférés, en gloussant et sniffant l'écriture comme si c'était un rail de coke. Derrière, Laura lui répondait : Tiphaine, on s'en balance la tartiflette !


Mon évasion boueuse de chez Chloé et Dimitri m'avait rappelé ce souvenir cuisant.

En revenant chez moi, après un bon bain et un bol de bonbons pour regonfler mon moral, j'avais pris les devants. J'avais envoyé un sms à Chloé, disant que j'étais bien rentrée et que j'espérais que Dimitri ne m'avait pas vue. Je ne voulais surtout pas entendre sa voix et je savais qu'elle aurait fini par m'appeler si je n'avais pas donné signe de vie.

Elle m'avait répondu en expliquant que le secret était bien gardé, smiley clin d'œil en prime... Super-coconne ! Elle lui avait dit que nous avions pris un apéro (ce qui était vrai et justifiait la présence des verres de martini) et qu'il m'avait manqué de peu (NO COMMENT...). Je me consolai en imaginant sa tête devant le trou dans sa haie jusque-là parfaite.

Désormais je décidais d'ignorer ses appels hors des jours de semaines.  

J'aurais aimé m'évader deux ou trois jours sur la côte mais les obligations professionnelles m'avaient rattrapées.

Les jours suivants, je commandai le repas définitif auprès du chef étoilé et composai l'équipe qui serait au service. Je n'oubliai pas d'inclure Laura et Anne comme aide supplémentaire pendant le vin d'honneur.

C'était peut-être con, mais maintenant, savoir qu'elles seraient présentes le jour J était l'une de mes motivations pour tenir. Oui, « tenir »... c'était le mot.

Je compris que c'était très certainement pour cela que je ne voyais pas mes parents. Ma mère aurait capté que quelque chose n'allait pas, elle arriverait à me faire parler et en entendant mon récit, se tiendrait la tête d'une main et me dirait : « Mais pourquoi as-tu accepté ce contrat ! ». Et je décevrais mon père qui me croyait si forte... L'image justifiée qu'ils renverraient de moi suffirait à me déprimer encore plus.

Le week-end fut peu animé. Laura, Anne, Marion ou Léo étaient déjà pris, alors je passai mon samedi et dimanche soir en tête-à-tête avec Miaou, rivée sur des séries Netflix. J'accueillis donc le lundi avec joie. Retrouver la frénésie des rues parisiennes et l'animation des marchés, me fit du bien. Même les aléas dans le métro me semblèrent moins embêtants !

J'appelai Marion :

– Alors, dit-elle avant même que je ne parle, tu n'es pas encore là ?

– Non, exceptionnellement c'est un rendez-vous téléphonique aujourd'hui.

– Ah... Dommage, j'aurais bien aimé te voir. On se cale une soirée rapidement ?

– Ça marche.

J'allais me poser au calme dans le jardin des plantes. Par chance, un banc était libre. Je posai ma sacoche sur mes genoux et ouvris ma tablette. Je chargeai mon fichier Word et notai les mises à jour sur mon tableau de bord.

Chloé allait me joindre dans une dizaine de minutes. Nous allions parler de l'animation. Mais les attentes des fiancés n'étaient pas encore clairement définies. Ils voulaient un peu plus de temps pour y réfléchir. Alors Chloé m'avait dit que nous pourrions simplement évoquer quelques idées par téléphone, pas besoin de me faire déplacer, pour en reparler par mail plus tard. Peut-être angoissait-elle aussi de me retrouver après l'épisode sauve-toi-comme-une-voleuse.

Je devais aussi penser à contacter les témoins dans la semaine, pour savoir s'ils avaient prévu quelque chose de leur côté. Chloé préférait savoir, elle ne voulait pas de surprise.

La cerise sur la pièce montée (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant