15. Sur-mesure (2/4)

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Les essayages durèrent moins longtemps que prévu. Alexis en avait terminé avec Chloé, elle n'aurait plus qu'à revenir dans un mois pour découvrir sa robe et procéder aux dernières retouches si besoin.

Nous repartîmes dans la même direction et elle s'extasiait de sa robe, parlant de sa hâte de voir à quoi elle ressemblerait. Je me demandais quand même pourquoi elle avait insisté pour que je vienne, ma présence aurait été complètement dispensable, je n'avais rien amené de plus. J'en compris la vraie raison plus tard. Nous passâmes devant un petit salon de thé.

– Vous avez le temps pour un café ? demanda-t-elle.

Quelques minutes plus tard, une serveuse en tablier fleuri posa deux expressos sur notre table. La situation me rappela notre première entrevue. Mais depuis, je connaissais un peu plus Chloé, et surtout l'identité de son futur mari. Notre relation était différente, j'avais vraiment l'impression qu'elle me traitait de plus en plus comme son égale.

Je portai le café à mes lèvres, ne pouvant ignorer la décoration chargée du salon de thé (nous étions les seules à boire un café), les broderies chargées sur les tentures, mais surtout le regard insistant de Chloé. Elle déclara :

– En fait, je voulais vous parler de quelque chose, mais je n'ose pas...

Mais Chloé ne put poursuivre, à mon grand désespoir, car derrière nous une dame lançait des piques acides à sa petite-fille. L'enfant ne devait pas avoir plus de dix ans. Sa grand-mère pincée caquetait des remontrances sans se soucier d'être entendue :

– Oh mais petite cochonne ! Mouche ton nez !

Elle semblait malade, elle avait les yeux brillants de fièvre.

– Mais mamie, j'ai mal à la tête, se plaignit-elle.

– On partira quand j'aurais terminé. Mets ta serviette sur les genoux !

Elle lui tapa sur la main. La pauvre fille commença à pleurer.

– Amy, si tu fais une scène, ce sera un soufflet sur la joue !

Elle ravala ses sanglots.

– Oh, puis tes mains sont sales.

Les clients et les deux serveurs ne pouvaient rien manquer. Surtout Chloé qui se trouvait à une seule chaise d'elle. Sincèrement, je ne voyais vraiment pas d'où les mains de la petite fille étaient sales. Sa grand-mère avait le regard dur, ses paroles ne portaient que de la haine, je trouvai la scène injuste et le malaise s'amplifiait.

La mégère sortit un flacon de gel hydro-alcoolique et entreprit de frotter les mains de la fille. Aucune douceur n'émanait de ses gestes brutes, elle fourra aussi vite le flacon dans son sac.

La jeune serveuse ne put se retenir :

– Elle n'a pas l'air très bien.

On sentait que la serveuse faisait un effort pour ne pas sortir de ses gonds, comme si cela lui rappelait des mauvais souvenirs, ou bien qu'elle ne supportait pas simplement pas la manière dont elle la traitait. En tout cas, elle n'était pas indifférente.

– Elle veut toujours se faire remarquer celle-là, ne vous inquiétez pas.

La serveuse posa sa main sur le front d'Amy :

– Elle est brûlante.

– Mais de quoi je me mêle ?! Allez débarrasser les tables derrière vous, plutôt !

– Mamie, je vais vomir.

La serveuse prit la main de la petite qui retenait ses hauts le cœur. Sa grand-mère se leva :

– Oh non, souillon ! Vite aux toilettes !

Elles s'en allèrent au pas de course jusqu'aux WC. Entre clients, nous nous regardâmes, consternés. L'autre serveuse déclara :

– Mais y'a des gens, vraiment !

On entendait la vieille soupière continuer de disputer sa petite-fille alors qu'elle vomissait. Chloé sortit son téléphone et appuya sur l'enregistrement vidéo. Elle me le tendit :

– Filmez-la, s'il vous plaît.

Je pris l'appareil et le dirigeai vers les toilettes. Mes yeux étonnés suivirent ma cliente. Elle fouillait dans le sac. Je ne vis pas ce qu'elle faisait, d'autres clients l'observaient aussi. Chloé revint s'asseoir, reprit son téléphone et le posa sur la table.

– Oui, bah voilà, Amy, on va devoir partir par ta faute ! Je n'ai pas fini ma tasse.

La serveuse éclata :

– Mais enfin, la petite est malade, vous voyez bien !

– Oh, taisez-vous ! Vous savez qui je suis ?

– Vous seriez la reine d'Angleterre que je m'en ficherais !

Elle rassembla ses affaires, signifiant bien qu'elle se sentait outrée, que c'était un scandale, qu'il y aurait des conséquences. En saisissant son sac Vuitton, elle gémit :

– Bwa ! Qu'est-ce que...

Chloé avait débouché le flacon de gel hydro alcoolique. La substance visqueuse s'était répandue partout.

Le salon de thé explosa de rire. Chloé était fière de son piège. La dame se décomposait et se hâta de quitter les lieux.

Je m'esclaffai avec les autres, revoyant le visage de la grand-mère humiliée. Même Amy avait ri.

– Pauvre petite...

– T'inquiète, j'ai mes contacts, avec cette vidéo, je vais la mettre mal, la mémé !

Nous éclatâmes de rire.

Je m'étonnais de voir cette complicité réelle avec la femme que je considérais d'un si mauvais œil encore quelques jours plus tôt.

– Bien, dis-je en reprenant mon sérieux, que vouliez-vous me dire juste avant ça ?

– Oh, non rien, rien. Tout va bien maintenant...

Mais qui était vraiment Chloé Desneiges ?

La cerise sur la pièce montée (édité)Where stories live. Discover now