30. Arrête de parler aux étoiles (2/5)

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Deux mois plus tard


– Tiens, passe-moi la passoire. Non, pas celle-là, la petite. La bleue !

– Maman, à quoi ça te sert d'avoir trois passoires différentes dans le bungalow ?

– Mais je les utilise !

– Mouais...

Je l'aidais à préparer une salade composée pour le midi. Mon père et mon frère étaient encore sur la plage, à chercher des crabes qu'ils finiraient par relâcher de leur épuisette.

C'était comme au bon vieux temps. La première fois que nous nous retrouvions pour les vacances tous les quatre.

J'aurais dû le faire plus souvent mais je craignais d'avoir trop grandi et de ne plus supporter de vivre avec mes parents, alors que tout semblait naturel, et qu'il n'y avait aucune dispute.

C'était la dolce vita.

Mes parents étaient rayonnants. Mon frère et moi aussi. Je m'étais faite cette réflexion en faisant défiler les photos prises avec mon smartphone. Après sept semaines passées ensemble, à paresser sous le soleil, à se promener dans les dunes, respirer les embruns, profiter des plaisirs simples de la vie, nous étions resplendissants. Notre peau hâlée, nos mines reposées et riantes nous rendaient plus jeunes, et si heureux.

Heureusement que je n'avais eu que ce mariage à préparer (et ce chèque surtout), autrement je n'aurais pas eu toutes ses vacances.

Pour la première fois depuis longtemps, j'enchaînai les livres, étendue dans mon hamac. Ma mère préparait chaque jour un thé glacé pour nous rafraîchir, il faisait tellement chaud. Mon cœur se réchauffait.

J'avais décidé d'être franche avec mes parents, je ne pouvais pas cacher mon mal-être au début de l'été, et ma mère aurait tout fait pour que je crache le morceau. J'avais donc dit que quelque chose s'était passé et que je leur en parlerai plus tard, quand je serais prête et que le recul sur la situation serait suffisant.

Je pensais que cela prendrait plus de temps, mais nous étions tellement dépaysés, et j'étais tellement bien qu'il ne fallut qu'une semaine pour que je me confie. Nous avions commencé à prendre notre habituel apéro, sur la terrasse du bungalow, avec vue sur la mer. Le vent était agréable, empêchait que l'air ne devienne étouffant, nous étions en T-shirt du matin au soir.

J'avais donc raconté l'histoire, et maintenant que je connaissais tous les angles, c'était aussi plus clair dans ma tête.

Chloé était rongée par la jalousie depuis des années. Son couple avec Dimitri en avait déjà fait les frais plusieurs fois. Pour des raisons qui étaient propres à lui, il l'avait pardonné, avait tenu à se battre pour sauver son couple. Car Dimitri faisait partie de ces personnes-là, il ne fuyait pas facilement, et acceptait l'idée qu'un couple, malgré ses coups durs et ses remous, se travaille, qu'il faut essayer de surmonter les obstacles.

Le couple allait surement mieux, et il avait fait sa demande. Peut-être trop pris par le boulot, trop pris dans son couple et sans aucun recul, il s'était sûrement perdu en chemin, sans le voir. Peut-être que le mariage règlerait tout. Je ne pouvais que supposer. Mais ce que je pouvais affirmer, parce que j'en avais été témoin, c'était toute la phase d'organisation, et le double-visage de ma cliente.

Chloé était convaincue que Dimitri avait une aventure. Elle avait réussi à se rendre sur le profil Facebook professionnel de son fiancé, à la recherche d'une preuve, persuadée qu'il y en avait forcément une. Parmi les rares recherches de son historique, elle était tombée sur mon nom : Amanda Laracello. Aucun résultat.

Elle avait engagé quelqu'un pour le suivre. De son côté, Dimitri avait rencontré lors d'un déjeuner d'affaires Lili Poncal, la productrice du télé-achat, mon sosie. Le détective avait rapporté deux photos de l'entretien : lors du repas, et lorsqu'il l'a raccompagnée devant l'hôtel. Travail de celui qui veut simplement toucher l'argent et profiter de la jalousie d'une femme, car l'enquête n'avait pas été plus loin. En plus, les photographies étaient de mauvaises qualités.

Le problème, c'était que nous nous ressemblions énormément. De fait, à mesure que Lili Poncal devenait de plus en plus connue, on me confondait avec elle. Si j'avais su que l'anecdote hilarante d'Anne chez Pirouette serait à ce point lié à tout ça...

Alors voilà, Chloé avait les preuves. D'un côté « Amanda Laracello » seule femme que Dimitri avait recherché sur Facebook et de l'autre des photographies de lui et Lili Poncal.

De fil en aiguille, elle était tombée sur une des rares photographies de moi à un salon de mariage à Paris, par une recherche Google, cliché que je n'avais jamais vu. Aucun doute pour elle : j'étais la maîtresse de Dimitri.

Et ce fut à ce moment-là qu'elle prépara sa vengeance. Dimitri l'avait humiliée, non seulement c'était la femme trompée, mais en plus il la faisait passer pour folle.

Alors elle allait nous faire souffrir tous les deux et planifier une vengeance machiavélique.

Lors de notre premier rendez-vous, elle avait donc menti. Je n'avais pas été conseillée par son amie. Chloé m'avait choisie ! Quelle aubaine pour elle que je fus organisatrice de mariage.

J'expliquai donc à mes parents les termes du contrat. Chloé voulait que je me dissimule pour que Dimitri ne me reconnaisse pas.

Mais ce que je me demandais, c'était si vraiment elle s'était attendue à ce que j'accepte, une fois avoir découvert son mari lors du deuxième rendez-vous, maquillée pour la première fois. Elle avait dû jouer à pile ou face, parier que si j'étais sa maîtresse, je n'en restais pas moins plus intéressée par l'argent. Autrement, le hasard était quand même dingue, puisqu'il avait été mon premier amour au collège !

Ma mère était juste intervenue pour dire que parfois il n'y avait pas de coïncidence, c'était juste le plan du destin. Je répondis que le destin s'était bien défoulé pour moi, dans ce cas !

Je continuai d'expliquer. Nous avions été surveillés étroitement par Chloé, sans le savoir. Mais elle avait bien dû voir qu'il ne se passait rien. Notre cours de valse s'était déroulé en présence d'un professeur, et Dimitri était reparti juste après, pareil pour les essayages.

Chloé avait donc probablement changé d'avis à un moment, prévu d'aller jusqu'au mariage, et d'en sceller un vrai. Après tout, ce que je faisais était réel.

Mais notre fuite à Manèves l'avait confortée dans sa première idée. Elle avait engagé un acteur pour jouer le rôle du maire, et les invités avaient assisté à une vaste comédie. Seule Gwen était au courant.

Lorsque je repensais à tous ces entretiens depuis février, le comportement de Chloé m'effrayait, je n'avais rien vu venir.

Mes parents écoutèrent le récit de la révélation et la fuite de Dimitri.

Voilà, j'avais tout déballé, j'attendais leurs reproches, mais mon père avait simplement dit :

– Bon, maintenant tu restes avec nous et tu te refais une santé.

Et c'était ce qu'ils avaient fait, ils m'avaient ramenée à la vie.

La cerise sur la pièce montée (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant