28. Chute (1/5)

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– Amande, t'es sûre de ce que tu fais ? Je ne veux pas que cet incident te mette en mauvaise posture. Demain, nous aurons oublié.

– Pas moi ! Laura, je me suis laissé faire trop longtemps. J'ai plus qu'honoré ma part du contrat. T'inquiète, je vais ruser pour ne pas qu'elle puisse prétendre à une faute professionnelle !

– Ça me plaît tout ça ! déclara Marion.

– Vous êtes avec moi ? demandai-je à Anne et Laura.

– Jusqu'au bout. Je ne supportais plus de te voir aussi mal !

– Très bien. Mariage de Chloé et Dimitri, acte 2 : la chute de la princesse !

Chloé faisait patienter tout le monde. Madame la marquise de Paris changeait de robe à l'étage, pendant que les invités patientaient depuis quinze minutes. C'était prévu dans le planning, elle avait insisté pour soigner son entrée ! Elle voulait descendre le grand escalier qui donnait sur les portes ouvertes face au parc, devant toutes ses connaissances, puis s'en irait trouver sa place à la table d'honneur.

Dimitri, en homme exemplaire, fit un tour de chaque table pour échanger quelques mots, remercier à nouveau les convives de leur présence. En cuisine, les assiettes gastronomiques restaient sous les lumières chauffantes.

A ce stade, je n'avais plus grand-chose à faire à part veiller au bon déroulement du repas et à l'efficacité des différentes équipes, sauf que toutes géraient très bien leurs tâches. Ce moment plus calme où d'habitude je faisais le pied de grue, me permit de réfléchir à comment lui envoyer un bâton dans les dents. Chloé était très attachée à l'apparence, il fallait que je fissure sa fausse assurance.

Je pouvais être très conne quand on me poussait à bout. Elle avait misé sur le mauvais cheval et tout son argent n'aurait pu me détourner de ma vengeance. Pendant que mes amies faisaient le guet, je m'approchai des marches pour désolidariser une des barres qui maintenait en place le tapis. C'était mesquin, puéril, à son niveau donc.

Chloé daigna enfin apparaître en haut de la balustrade. Elle semblait défiler dans sa robe rose à volant. Ses escarpins blancs étaient silencieux sur le sol recouvert.

Je fis signe à l'équipe d'envoyer les entrées. Laura se mêla au service. Pendant ce temps, Anne s'en alla au vestiaire à la recherche de laxatifs dans les sacs.

Le chanteur termina sa chanson et l'orchestre changea de registre pour un morceau d'ambiance à mesure que Chloé descendait.

Elle atteignit les dernières marches, et là où le tapis n'était plus stable, elle perdit l'équilibre. Une accélération vive lui fit bouger les bras et les jambes comme une marionnette désarticulée. Elle ne tomba pas, mais rata royalement son entrée raffinée. Comme un seul homme, les invités avaient poussé des « oh ». Chloé se recoiffa machinalement, l'air de rien, alors que Dimitri accourait. Il blagua :

– Tu te prépares à intégrer une équipe de cascadeurs ?

Ce à quoi elle sourit bêtement, gênée mais heureuse de garder la face. Dommage, mais nous n'en étions qu'au début.

J'évitai consciencieusement son regard, pour ne pas s'attirer ses foudres et m'en allai l'air de rien dans le parc, faisant mine de jeter un coup d'œil aux assiettes qui arrivaient par dizaine sur les tables. Les invités étaient déjà passé à autre chose, gagnés par la faim et désireux de remplir leurs verres à nouveau.

Le soleil commençait à décliner. Je venais d'atteindre les poneys, délaissés par les enfants qui commençaient à manger. Le palefrenier les avait attaché  à la barrière et les nourrissait. Je lui accordai sa pause et il s'en alla rejoindre la partie de l'équipe qui n'avait pas pu dîner avec les autres pendant le vin d'honneur.

Je desserrai le nœud de la corde qui les retenait et plongeait ma main dans le seau d'herbes et de foin qu'ils prenaient pour un festin. L'odeur était forte.

Je me dépêchais d'aller la déposer sur la table avec l'urne aux cadeaux en caressant la nappe, puis je sortis rejoindre la table d'honneur, surchargée de fleurs. La mère de Chloé répéta plusieurs fois :

– Ils vont dans une villa luxueuse à Bora-Bora pour leur voyage de noces. Un endroit CHARMANT !

– Tout se passe bien ? demandai-je aux mariés.

Je savais que devant lui, elle ne pourrait pas m'envoyer sur les roses. Je savais que ça la gênerait de la couper pendant son repas.

– Impeccable, répondit Chloé avec un sourire forcé.

J'affirmai me réjouir de leur bonheur et posai ma main parfumée au foin sur le dos de sa robe. Elle s'écarta, n'appréciant pas mon contact. Je leur souhaitai un bon repas avant de rentrer à l'intérieur du manoir.

La cerise sur la pièce montée (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant