11. La valse des résolutions (3/3)

12.1K 1.4K 175
                                    




Je faisais mes comptes. Un rayon de soleil atteignait mon salon, pour mon plus grand bonheur. Mais ce ne fut pas la raison principale de mon explosion de joie :

– Ha, ha ! C'est trop bien !

Je tournai sur ma chaise, effrayant mon chat qui sursauta et me dévisagea. Je lui expliquai :

– Je suis riche, Miaou.

J'improvisai une danse des bras, devant l'écran de mon ordinateur, avec pour seul spectateur un matou qui suivait mes doigts avec grand stress. Je lui prêtai des pensées, cela m'amusait et je pensai qu'il se disait : Mais qu'est-ce qu'elle fou encore celle-là ! Si j'ai pas de pâté je lui miaule sous la truffe !

– Oui, oui, chantonnai-je, un de mes crédits est enfin épongé. Voilà ça c'est la classe, je... beurk ! C'est dégueulasse, grimaçai-je après une gorgée de mon thé refroidi.

Miaou en eut marre et sauta sur le sol alors que je voulais lui faire un énorme boujou d'amour comme je disais.

– Miaou ! Reviens mon bébé !

Je ne savais pas si nous étions tous les mêmes avec nos animaux, mais j'avais toujours pensé qu'il y avait un concept de télé-réalité à penser autour d'eux, et notamment l'attitude de leur maître à leur égards. A cet instant, dans mon appart un peu bordélique je marchais à quatre-pattes pour le suivre en imitant des miaulements. Miaou restait assis à me fixer, sous le bureau, sa queue fouettant le lino, d'un regard qui disait : Tu peux toujours attendre ma fille !

Comme d'habitude, je feignis de partir et il me suivit parce que son intérêt avait subitement changé pour jouer avec mes orteils nus que je tortillai. Et paf, je l'attrapai au vol en fourrant mon nez dans son cou. Il se détendit, blasé, mais ses prunelles criaient : Traîtresse !

Mais bon, c'était moi la mère nourricière, alors il attendait sans répliquer le moment où je le reposerais. J'improvisai deux pas de danse, ma société Wedding Wedding était en très bonne santé. Merci Chloé Desneiges et Dimitri Grévois.

Je pensai à mes clients. Ils avaient commencé leurs cours de danse, ils devaient être à leur deuxième séance. Il m'était revenu la tâche de trouver un bon prof de valse à proximité de leur domicile pour deux heures de leçons chaque quinzaine, à raison d'une heure deux jours de suite. A ce rythme-là, s'ils étaient assidus jusqu'à la fin du printemps, leur ouverture de bal serait assurément réussie.

Plus je côtoyais Chloé, plus je me rendais compte qu'elle se mettait une pression encore plus importante que d'habitude. Elle voulait que tout soit parfait, mais sa vision de la perfection était surhumaine. Heureusement, jusque-là elle ne m'avait pas fait beaucoup de reproches. Avec du recul, je sais que je n'aurais jamais été capable d'assurer ce genre de mariage au lancement de mon entreprise.

Enfin, repenser à leur mariage - car finalement être wedding planner c'était ça, on y pensait chaque jour, on en rêvait même, jusqu'au jour J – et à leur ouverture de bal vint amoindrir mon sentiment d'allégresse.

Finalement, les discussions avec Laura, Anne et Marion sur les garçons me revenaient en mémoire. Il fallait que je passe à autre chose, elles avaient raison. Je devais m'éloigner de mon fantasme, du souvenir que j'avais de Dimitri. Je devais le laisser partir, comprendre que mes sentiments étaient peut-être infondés, trop englués dans un fantasme adolescent. Nous avions tous les deux changés, nous ne nous connaissions pas et il avait choisi Chloé pour être celle qui allait partager sa vie.

Oui, je devais le laisser partir.

Comme un coup du sort, à peine cette résolution prise, mon téléphone sonna. Le numéro inconnu qui s'inscrivait ne m'empêcha pas de répondre, car j'attendais le retour d'un prestataire.

– Allô ?

– Amanda, c'est Dimitri.

Il parlait à voix basse. Mes poumons se glacèrent.

– Amanda ?

– Oui, oui, euh, bonsoir, Dimitri. Tout va bien ? repris-je plus assurée malgré ma respiration qui s'accélérait maintenant.

– Excusez-moi de vous déranger mais je voudrais vous demander un service.

– Vous ne me dérangez pas. Qu'est-ce que je peux faire ?

– Chloé ne peut pas venir au cours de valse. Est-ce que vous auriez la gentillesse de la remplacer ?

– La remplacer ?

– Oui, elle ne doit pas savoir, c'est une surprise. Pour tout vous dire elle me reproche de ne pas être assez impliqué et je voudrais lui montrer qu'elle a tort. Je progresse moins vite qu'elle et je ne veux manquer aucun cours. Alors si vous pouviez être ma cavalière, ce serait super gentil.

Dis non, Amanda, dis non. Ce n'est pas bien, mais alors pas bien du tout.

Et pourtant je répondis :

– J'arrive dans deux heures.








Notes à moi-même :

1. Oh là, là... Je vais danser avec Dimitri. Seule.

2. Mais qu'est-ce que j'ai fait ?!

3. Ecouter sa conscience. Jiminy Cricket n'est jamais là quand on a besoin de lui !

La cerise sur la pièce montée (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant