La cerise sur la pièce montée (édité)

15. Sur-mesure (3/4)

Le lendemain, j'arrivai en retard au rendez-vous avec Dimitri. J'avais opté pour le métro, car les taxis dans ce quartier de Paris roulaient moins vite que les piétons à cette heure-ci. Manque de bol, une bagarre entre jeunes dans une rame avait retardé la ligne.

Nous nous rendions dans une enseigne italienne bien connue. En réalité, Dimitri avait anticipé de son côté, il avait fait parvenir ses mensurations et allait déjà essayer plusieurs costumes. Il m'avait attendue devant l'entrée.

– Bonjour Amanda, comment allez-vous ?

Je le saluai, puis il écrasa sa cigarette et m'ouvrit la porte.

A l'intérieur, les enceintes diffusaient un titre de Queen : Another One Bites The Dust. Chaque fois que je l'entendais, je pensais à l'ancienne Pub SFR avec Milla Jovovich et ses longs cheveux rouges. Quel dommage que mon imaginaire fut limité par cette publicité, bien que la femme était canon et qu'elle m'avait inspirée pour une coloration en première année de fac.

Là, j'avais ré-enfilé ma fausse apparence. Mais comme Chloé n'était pas là, puis que Dimitri avait vu ma silhouette au cours de valse, je m'habillais mieux.

– Chloé m'a raconté votre après-midi hier. Je crains que celle-ci ne soit pas aussi drôle.

Ça tombait bien, je n'étais pas là pour rigoler. Dimitri voulait un avis sérieux sur les tenues et je préférai que nous préservions ce rapport.

– Vous êtes une fille...

Merci de l'avoir remarqué.

– ... alors vous savez ce qui va plaire à Chloé. Je pense même qu'elle a dû vous briefer.

Non, juste un peu.

– Elle m'a parlé de quelques éléments. De toute façon, les costumes ici sont parfaits. Ça ne devrait pas être difficile.

L'employé qui nous reçut était aussi peu loquace que Dimitri. Les essayages se déroulèrent dans un calme olympien, excepté lorsqu'il lui demandait :

– Alors, on en pense quoi ?

Et chaque fois, Dimitri levait la tête vers moi pour avoir mon avis. Honnêtement, je trouvais les cinq costumes bien choisis.

L'employé lui demanda de bien vouloir défiler. Le jeune homme déambulait de manière empruntée, mal à l'aise. La lumière sur lui ce n'était pas son truc, comme lors de la séance photo. Le jour du mariage allait être une épreuve pour lui.

Il n'arrivait pas à se décider parmi les trois qui restaient. J'éliminai donc ceux qui allaient le moins bien avec la robe de mariée, ainsi le couple serait parfaitement assorti. Le modèle trois pièces était bleu nuit, (presque noir dans la pénombre) cravate et chaussures assortis. Si les parfumeries cherchaient leur modèle mâle pour la collection 2018, il n'avait qu'à venir voir Dimitri Grévois ici même. Les reflets du tissu étaient profonds et rehaussaient son côté mystérieux.

Il le portait encore et l'employé rangea les autres tenues. Dimitri se tenait devant le grand miroir. Enfin, il déclara :

– Oui, c'est le bon. Je suis sûr que ça va lui plaire.

– Bien mais est-ce que ça vous plaît à vous aussi ?

Il tourna de biais, s'observant toujours, ajustant sa veste puis son nœud de cravate. Je le trouvai un peu trop serré. Je m'approchai.

– Vous permettez ?

Il me laissa faire. Je desserrai simplement le nœud tout en préservant sa forme. Mais il avait l'air un peu tendu, je ne m'attardai pas.

– Alors ? répétai-je.

– Oui, répondit-il enfin, ça me plaît beaucoup.

Je rassemblai mes affaires pendant que Dimitri se changeait. Je constatai plusieurs appels en absence sur mon smartphone. Tous étaient de Chloé Desneiges.