17. Complications (1/3)

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Au fur et à mesure des semaines, je me rendais bien compte que le retour inattendu de Dimitri Grévois dans ma vie avait ébranlé cette carapace que je m'étais forgée avec le temps. Son regard, sa voix et ses gestes m'atteignaient avec force.

Malgré toute ma bonne volonté, mes principes et ma capacité d'analyse, je ne pouvais rien y faire. Cet homme était toujours dans un coin de ma tête. Si je n'avais pas ressentie cette alchimie entre mon souvenir de lui et l'homme qu'il était devenu, cela aurait été beaucoup plus simple. Mais là, j'étais complètement enlisée dans un potage sans nom.

En plus, n'étant plus objective, je ne savais plus si le couple manifestait des signes de mauvais augure ou si je voulais voir ce que j'espérai.

L'une des solutions pour s'occuper la tête c'était de s'immerger dans le travail. Le hic, c'était qu'il était directement lié à mes problèmes.

Parfois je voulais tout arrêter, ou j'attendais avec hâte la fin du contrat, et d'autres fois j'étais satisfaite, parce que cela me permettait d'avoir l'illusion de le côtoyer, même si tout n'était que mensonge. Une fois qu'ils seraient mariés, je ne le reverrais sûrement plus jamais et cette pensée m'était plus insupportable. Je me raccrochais le plus fort possible aux compétences et aux joies de mon travail, essayant de bloquer tout le reste dans une case de mon cerveau.

Le mois d'avril commençait et les premiers jours doux promettaient enfin le retour d'un climat lumineux.

J'avais glandé chez moi pratiquement toute la journée jusqu'à mon rendez-vous. Pour la première fois je me rendais dans leur maison. Chloé m'avait envoyée leur chauffeur. Je n'avais pas eu besoin de me déguiser car Dimitri ne pouvait pas assister à l'entrevue. D'après Chloé, il avait une réunion importante et s'en allait ensuite directement à Bordeaux pour le travail.

Je me demandais bien à quoi pouvait ressembler leur maison. A l'entrée, le gardien salua son collègue et ouvrit le portail. C'était un bâtiment de plain-pied, moderne mais simple. Trop rectiligne, trop épuré pour moi. Il me faisait penser aux maisons des studios hollywoodiens où l'on avait l'impression que personne ne vivait vraiment, rien ne semblait dépasser.

Même si je ne la trouvais pas à mon goût, c'était impressionnant quand même. J'aperçus Chloé derrière les baies vitrées. Elle vint m'ouvrir la porte avant que je ne sonne pendant que le chauffeur s'en allait garer la voiture dans le garage au fond du jardin.

– Bienvenue chez nous, Amanda !

Elle était rayonnante. J'avais l'impression qu'elle me recevait comme une grande amie à qui elle était impatiente de montrer sa nouvelle demeure. Je passai devant les cadres du couloir où le couple se multipliait en photos de plus en plus niaises. Sur certaines, je ne reconnaissais pas Dimitri : trop souriant, trop superficiel, tout ce qu'il n'était pas.

Chloé me fit faire le tour rapidement. Je complimentai l'énorme cuisine avec îlot central en bois et pierre ou encore les œuvres d'art contemporain immenses accrochées au-dessus des canapés.

Puis elle m'invita à m'asseoir sur le fauteuil, servit le thé en me disant qu'elle avait donné congé à sa cuisinière pour l'après-midi. Et nous commençâmes à travailler.

Chloé entrecoupait chacune de nos réflexions par des anecdotes ou des bavardages inutiles, du genre que l'on faisait chez son coiffeur pour passer le temps. Sa solitude n'était pas imaginée, elle avait besoin de parler.

Parfois, elle voulait aussi en savoir plus sur moi. Mais tout restait superficiel, je comprenais que je l'aidais à passer le temps et qu'elle essayait de gagner mon amitié. Mais je faisais tout pour revenir au mariage et elle revint vers ce qui nous intéressait :

– Concernant les faireparts, beaucoup de retours tardent à arriver...

– La date limite n'est pas passée, c'est normal, il y en aura toujours qui attendront le dernier moment.

– Et bien ce sont des mal-éduqués !

Chloé s'était tendue d'un coup. J'aurais juré sentir son angoisse par ultra-son ou je ne sais quel autre procédé. Elle enchaîna :

– Ils savent que c'est une surprise. On fait ça pour nous mais aussi pour eux... Ces ingrats... Ils doivent se douter qu'on a besoin de réponses rapidement !

– Respirez, respirez. Honnêtement, ceux qui ne peuvent pas sont parmi les premiers à répondre. Ceux que vous aurez eu au téléphone ou vu entre temps et qui vous l'auront plus ou moins dit qu'ils viennent de vive voix ne renverront probablement pas de réponse.

– Mais, chez nous, ce n'est pas comme ça.

Le « chez nous » se référait probablement aux « riches ».

– La date indicative limite est purement formelle. Plus de deux mois après l'envoi postal, nous devrions avoir toutes les réponses ! L'avion, l'hôtel... C'est la pagaille sinon ! Oh, qu'est-ce que je fais, Amanda ? Je ne vais pas quémander, je vais passer pour la chieuse de service !

Je me rendais à nouveau compte à quel point Chloé pouvait vite monter dans les tours. Pour moi, la solution était pourtant toute trouvée :

– Donnez-moi la liste des invités qui n'ont pas répondu, je les appellerai cette semaine. Je me présenterai, puis me permettrai de leur demander s'ils viennent à la noce. C'est mon job, vous savez.

– J'avais peur que ce ne ça ne se fasse pas, auprès de mes invités...

– Ils ne trouveront pas bizarre que l'organisatrice de mariage appelle pour récolter les dernières confirmations à deux mois du jour J. Surtout que, comme vous dites, c'est inhabituel comme configuration.

– Vous avez toujours la bonne solution.

Honnêtement, je compris que Chloé voulait me flatter. J'avais déjà fait bien plus que de régler une simple relance.

La cerise sur la pièce montée (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant