11. La valse des résolutions (1/3)

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La virée ne fut pas à la hauteur des espérances de ma meilleure amie. Les boîtes, c'était différent de ce que nous avions gardé en mémoire, ou peut-être avions-nous déjà vieilli.

Ça devait bien faire plus de cinq ans que nous n'avions pas été au « Madam » avec Laura, que nous étions sorties en boîte tout court, d'ailleurs. Alors j'étais moi-même gagnée par l'enthousiasme. Comme une plongée dans le monde de la jeunesse, un retour en arrière dans ce mélange de bruits, de corps et d'alcool où je pouvais me laisser aller.

Le début s'annonçait bien pourtant. Enfin en tout cas la première heure sur place c'était vraiment bien. Déjà, Laura et moi avions ri comme des pintades en voyant le regard que Marion jetait au videur qui avait osé lui demander sa carte d'identité.

– Tu devrais être contente qu'on te croie plus jeune, lui avais-je dit en entrant dans le couloir.

Je n'entendis pas sa réponse, les décibels l'avalèrent.

Il était encore tôt et une table près du bar était libre. Marion et moi nous laissâmes tenter par un mojito, Laura en bonne Sam commanda un jus de cranberries.

– Bon, commença ma meilleure amie, on juge vite fait ce qu'on a autour de nous pour Amanda ?

– Misère d'hommes potables ! répondit Marion.

Elle montra du doigt plusieurs danseurs à la suite, ânonnant lorsqu'elle s'arrêtait à chacun d'eux :

– Moche. Moche. Moche. Double-moche.

Heureusement qu'ils ne pouvaient pas l'entendre. Je répliquais :

– Non les filles, on est là pour passer un bon moment, depuis quand faut-il des hommes pour ça ? Allons danser.

– Okay, enchaîna Marion en sirotant son rhum mentholé. Le problème c'est qu'il faut qu'on t'exorcise pour chasser Dimitri de ta tête.

Elle devait parler fort, et je compris mal sa phrase qui atteignit mes oreilles ainsi :

« Le problème c'est qu'il faut que tes saucisses pourchassent Dimitri à la fête »

Lorsque je l'ai répété, Laura s'est étouffée dans son verre et Marion s'est tapé le front de la main.

– QU'ON T'EXORCISE ! DIMITRI ! DE TA TETE ! cria-t-elle dans mes tympans.

– Ah, okay !

Bien sûr je rigolais avec elles ensuite, me rendant compte de l'absurdité de la phrase. Ce qui me rappela un jeu que l'on faisait avec ma meilleure amie :

– Eh, Laura ! Tu te souviens quand on jouait aux questions-réponses débiles pendant les heures de permanence.

La perm ! Vaste sujet lorsque nous étions au collège. Si elle n'était pas surveillée par le surveillant beau-gosse, nous savions que ce serait long. Deux heures le mardi, coincées entre deux cours qui nous empêchaient de rentrer chez nous. Deux heures pendant lesquelles il était hors de question de faire des devoirs de maths, de français ou d'histoire (Pythagore, Maupassant ou Louis XIV, au bout d'un moment on s'en balançait la tartiflette comme disait Laura). Alors souvent, nous allions au fond, mais il fallait ruser. Parce que le surveillant séparait les camarades pour éviter les bavardages. Donc dans la file pour rentrer, nous faisions comme si nous ne nous connaissions pas. Et cela marchait presque à tous les coups. Par contre, ce qui arrivait aussi à chaque fois, c'était qu'ils nous séparaient plus tard, une fois voisine de salle, parce que nous rigolions trop. Ces fous rires incontrôlables avaient deux raisons : l'obligation de devoir rester silencieuses dans ce lieu chiant à mourir et le fameux jeu des questions-réponses sans queue ni tête.

Dans la boîte, la musique était moins percutante que la précédente et nous pouvions mieux nous entendre, même s'il fallait quand même parler très fort.

– Oh oui ! C'était énorme ! s'anima Laura.

J'expliquai à Marion :

– On prenait une feuille. L'un de nous devait écrire une question, et l'autre une réponse. Le truc, c'est qu'elle ne savait pas ce que je notais et vice versa. Par exemple, j'écrivais une question, je pliais le bout de la feuille en arrière pour la cacher et je lui passai pour qu'elle inscrive une réponse, Laura repliait et ainsi de suite. A la fin, on dépliait tout et on lisait ce que cela donnait. Tu suis ?

J'espérai qu'elle avait réussi à tout entendre et sa réponse confirma qu'elle avait tout saisi.

– Oui, bah c'est le principe des cadavres exquis inventés par les surréalistes.

– Oh, excusez-nous, madâââme ! ironisa Laura.

– C'était tellement marrant ! me rappelais-je.

Marion prit plusieurs serviettes et sortit un stylo.

– Eh bien essayons.

– Tu veux faire ça maintenant ? demanda Laura.

– Oui, tu vois bien qu'il faut la détendre, ajouta-t-elle en me désignant.

– Les filles, je suis là, répondis-je faussement agacée.

– Okay, tu commences.

La cerise sur la pièce montée (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant