20. Malédiction (3/3)

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– Allez, vite ! me dit Anne.

– Oui... alors, c'est en général à la fin...

– La mort ?

– Non, répondis-je avant de rire, moqueuse.

Elles voyaient que j'étais euphorique, en tout cas pas dans mon état normal. Mon comportement les fit rire. Marion lança :

– Eh bah, ça commence bien. Elle est beurrée !

– Continue ! ordonna Anne devant le sablier qui continuait de couler.

– Oui, oui... alors... c'est en général à la fin...

– Tu l'as déjà dit ! Grouille !

Laura et Marion se moquèrent de moi.

– Mais tu m'as pas laissée finir ! C'est à la fin d'un repas.

– Hein ? dirent Marion et Laura en chœur.

– Café, thé ! proposa Anne.

– Non, autre chose ! répondis-je.

Marion et Laura n'y comprenaient rien.

– Mais qu'est-ce que tu racontes ?! me demanda ma meilleure amie.

– Te laisse pas déconcentrer ! dit Anne. D'autres indices, vite !

C'était tellement laborieux. Il devait rester à peine vingt secondes.

– C'est sucré !

– Mais qu'est-ce qu'elle raconte ? répéta Laura en s'esclaffant.

– Purée, elle est cramée... surenchérit Marion comme si j'étais un cas désespéré. T'as mal lu le mot !

Mais je persistai et donnai un dernier indice :

– Un entremet, par exemple.

– Dessert, un dessert ! cria Anne juste avant la fin du temps imparti.

– Bravo !

– Mais non ! Mais non ! essaya de dire Laura en plein fou rire. Amanda, c'est « désert » le mot, « désert » ! Pas « dessert » !

– Ah ! Ah ! Ah !

Je m'écroulai sur le canapé, tordue de rire à m'en faire mal aux côtes. Marion sortit un :

– Et voilà, elle est cuite... Complètement cuite !

Puis elle ne put se retenir plus longtemps et se joignit aux rires de nos hôtes. Anne n'arrivait pas à m'en vouloir :

– C'était trop beau, Amande ! Bon, la prochaine fois tu me laisses te faire deviner, hein. Et puis vous deux-là, vous auriez pu dire avant qu'elle se trompait.

– Oui, bah on a mis du temps à comprendre aussi. « C'est à la fin d'un repas »... Vraiment...

Je tenais encore la carte et Marion l'approcha encore plus de mes yeux.

– Comment as-tu pu croire que tu devais faire deviner « dessert » avec comme mots tabou « aride, sable, oasis et chameau » ?

Je trouvai le mot « chameau » hilarant et pouffai de plus belle.

– J'ai à peine lu... j'ai... ah, ah, ah... j'ai vu vite fait « sable » et j'ai pensé aux sablés bretons, et oasis, j'ai pensé à la boisson, ah ah ah ah.... Oh, j'ai mal aux côtes.

– On gagnera jamais... déclara Anne, désabusée.

Il nous fallut encore quelques minutes, un verre d'eau et le temps que Marion fume une clope à la fenêtre avant de nous remettre dans la partie plus sérieusement. Marion devait faire deviner son mot à Laura.

– C'est moi qui surveille, dis Anne. Retourne le sablier.

Je m'exécutai. Mais je n'écoutai qu'à demi cette manche. J'étais encore sous l'effet euphorique à la fois du fou rire et de l'alcool que mon corps n'arrivait pas à éponger. Je pensais à mes clients et à ce qu'ils pouvaient bien faire.

Ce fut plus fort que moi, j'envoyai un message à Chloé. Il était presque vingt-trois heures.

« Bonsoir Chloé. Est-ce que ton enterrement de vie de jeune fille se passe bien ? »

J'étais curieuse comme une pie. J'hésitai à envoyer le même message à Dimitri.

– Bravo ! Trois mots ! déclara Marion.

– Amanda, on te dérange pas ? Concentre-toi, c'est à mon tour, dit Anne.

Mais mon téléphone vibra.

– C'est Chloé ! hurlai-je.

– Pendant sa soirée d'enterrement de vie de jeune fille ? Je vous l'avais dit qu'elle se ferait chier.

– Oh, bah si elle aussi est ronde comme une queue de pelle, ça peut être drôle.

– Mets le haut-parleur ! demanda Laura.

Je décrochai, index levé devant ma bouche pour leur dire de faire moins de bruit, et pourtant je n'étais pas sérieuse moi-même :

– Allô ?

– Amanda ! C'est affreux !

Son ton larmoyant nous inquiéta.

– Quoi ?

– Je suis à l'hôpital !

–Oh, pauvre petite...

Laura, en meilleure possession de ses moyens que moi prit mon téléphone et coupa le haut-parleur.

– Madame Desneiges, c'est Laura, nous nous sommes vues la semaine dernière chez Amanda. Elle ne peut pas vous répondre, qu'est-ce qu'il vous arrive ? Doit-on vous aider ou prévenir quelqu'un ?

J'étais reconnaissante, je commençais à avoir mal à la tête et à me rendre compte que j'aurais pu me ridiculiser devant ma cliente qui n'avait pas l'air en bonne position. Mais je n'étais plus vraiment en possession de mes moyens pour le comprendre. D'ailleurs, penser à ce qui avait pu se passer pendant sa soirée d'enterrement de vie de jeune fille pour qu'elle termine à l'hôpital me fit rire. Oui, il valait définitivement mieux que Laura ait pris le relai.

– Oh mince... D'accord... Oui... Je lui dis.

Elle raccrocha et sa mine sérieuse nous calma.

– Amanda, Chloé n'est pas là-bas pour elle, mais pour Dimitri. Elle n'en sait pas plus pour l'instant, mais tu peux la rejoindre si tu veux.





Notes à moi-même :

1. M'abonner à la page Movie MakeUp.

2. Manger. Boire.

3. Rappeler Chloé.

La cerise sur la pièce montée (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant