25. Le dernier souvenir (2/3)

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Je compris que le principal avait terminé lorsque les applaudissements nourris de l'assistance résonnèrent à mes oreilles. Les diplômés de 3 ème A furent appelés pour recevoir le document officiel. Nous serions la quatrième classe à passer sur l'estrade à l'appel de notre prénom.

Je parvins à rejoindre Tiphaine, m'excusant au passage pour les pieds écrasés qui s'étaient trouvés sur mon chemin.

– Alors ? demanda-t-elle, pressée d'avoir des nouvelles.

– Je n'ai pas pu me rendre au cinéma. Dimitri a dû croire que je me moquais de lui !

– Merde !

– Comment il a réagi quand tu lui as dit pour le mot ? demandai-je, avide de détails.

– Il avait l'air content...

Avec du recul, Tiphaine avait bien joué la comédie.

Pour ma part, j'avais des sueurs froides, j'imaginai sa réaction, son humiliation peut-être de ne pas  me voir arriver, je l'imaginai seul devant ce cinéma, regardant sa montre, observant de droite à gauche la rue pour vérifier si j'arrivais. Combien de temps avait-il attendu ? A quel moment s'était-il résigné ? Qu'avait-il ressenti ? Me détestait-il ? C'était une torture.

– Tu l'as vu ? demandai-je à Tiphaine. Il faut que je lui parle !

– Moins de bruit ! coupa une dame derrière nous.

Mais ta gueule !

Mon père m'appela. J'avais gardé l'appareil photo jetable et il voulait se tenir prêt lorsque ce serait mon tour.

J'aperçus de loin Yohann, mais toujours pas Dimitri. Je me fichai éperdument d'Anna Fellman ou de Thibault Jalet des 3 ème C qui prirent la pose sous les sifflets exagérés de leurs proches.

Enfin, notre prof principal nous fit signe de le rejoindre vers l'escalier arrière de l'estrade. Il voulait que nous formions une ligne par ordre alphabétique, pour ainsi être prêt à enchaîner. Je n'avais que le temps entre ma chaise et la file pour découvrir où il était. Laura se jeta sur moi :

– Je n'ai pas vu Dimitri !

Elle aussi l'avait cherché pour moi.

– Moi non plus... dis-je, déçue.

– Ecoute, s'il  n'est pas là, c'est pas grave. Vas le voir cet après-midi !

– Chez ses parents ?

– Bah oui, à moins qu'il ait déjà son propre logement à quinze ans.

– C'est pas le moment de faire de l'ironie !

Nous étions presque arrivées derrière l'estrade.

– Oui, tu as raison... Je pars en vacances cette nuit, alors c'est le seul moyen. Mais il habite où ?

– Demande à Paul ou Yohann !

Je cherchai les deux gars. Mais notre prof nous ordonnait déjà de nous mettre dans l'ordre.

– Yohann ! appelai-je dès qu'il fut dans mon champ de vision.

– Euh, oui ? demanda-t-il, étonné que je lui adresse la parole de cette manière pour la première fois en deux ans.

– Je cherche...

– Chut ! Amanda, Yohann, ça commence ! Du calme !

Effectivement, le principal appelait déjà les deux premiers élèves de la classe. J'attendis que notre prof ne fasse plus attention à nous pour poursuivre, je n'avais pas la patience d'attendre plus longtemps.

– Yohann, je cherche Dimitri, chuchotai-je.

Je dus attendre un peu, que le prof se retourne pour répéter et me faire entendre.

– Ah ? Pourquoi ?

Mais qu'est-ce que ça peut te faire !

– J'ai un livre à lui rendre.

– Un livre ?

– Oui.

– Mais il n'est pas là.

– Mais je sais, c'est pour ça, je voulais...

– Amanda ! coupa encore le prof, en perdant patience. Tu es mal placée, vite !

– Yohann, il habite où ?

– Mais il n'est PLUS là, il déménageait aujourd'hui, c'est pour ça qu'il n'a pas pu venir. C'est à cause du boulot de son père.

Ce coup dur fut terrible. Je ne me rendis pas tout de suite compte que les autres m'attendaient, que notre prof s'énervait contre moi. Enfin, j'entendis le principal répéter dans le micro :

– Amanda Laracello !

Dimitri avait déjà déménagé, je ne savais où.

Mon bal d'hiver, ma remise de diplôme, deux moments qui auraient dû faire partie de mes meilleurs souvenirs de collège avait été gâchés. Cause : peine de cœur.

Je montai sur la scène comme un zombie. Mon père dégaina son Kodak.

Sur la photographie, je baisse la tête.

La cerise sur la pièce montée (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant