16. L'art de l'amitié (2/3)

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Anne baissa la musique et je rappelai ma cliente qui répondit toute enjouée. Elle voulait des conseils de coiffure, hésitant entre un chignon à la Charlène de Monaco ou un tressage à la Blake Lively. Je lui conseillai de se laisser pousser les cheveux jusqu'au dernier mois, histoire d'avoir toutes les alternatives possibles au moment du coiffage. Mais je savais bien que ça ne pouvait pas être la seule raison de son coup de fil tardif.

– Vous faites quoi sinon ? C'est quoi cette musique ? Mince, j'espère que je ne vous dérange pas au moins ?

– Non, on fait une pause. Je suis chez mes meilleures amies.

– Oh, bien, bien, vous avez l'air de vous amuser. Je ne vais pas vous embêter plus longtemps, dit-elle d'un ton las.

Je ne la sentais pas bien. Si ce n'était pas clairement écrit noir sur blanc sur mon contrat, il m'incombait la tâche de réchauffer les cœurs. Et de toute façon, je commençai à la connaître et sa phrase voulait surtout dire :

« T'as intérêt à ne pas raccrocher tout de suite » !

– Vous ne m'embêtez pas.

Laura me fit les gros yeux mais je lui indiquai que j'allai dans sa chambre. Elle me fit un clin d'œil et repartit danser avec Anne.

– Enfin, repris-je, vous êtes sans doute occupée aussi.

– Je termine le plan de table. On sait que c'est un casse-tête mais le faire c'est encore pire !

Là, je ne pouvais qu'être d'accord.

– C'est un passage houleux. Vous vous accordez au moins avec Dimitri ? C'est la première étape.

– Oh, il n'est pas là ce soir, mais oui je pense qu'il sera d'accord, il est très conciliant.

Les mariés qui se chamaillaient parce que tata Églantine devait être à côté du neveu Patrick mais pas loin de la mamie Colette sans être trop près de la cousine Caroline, c'était plus que courant.

– C'est un bon point dans ce cas. Après mon conseil serait plutôt que vous ne sépariez pas trop les gens. Mélanger les familles et les amis, c'est une chance sur deux, soit c'est super, soit c'est raté. Il vaut mieux assurer.

– Oui. Bon... Et autrement, je ne sais pas si c'est normal, mais je me sens... Comment dire... Un peu tendue.

Chloé avait ce fameux coup de mou. Elle avait l'humeur de celle qui tourne en rond, elle enchaîna avec des banalités. Je me permis de lui dire :

– Je vous conseille, si vous pouvez, de partir un peu. Il faut souffler, prendre un peu de recul et oublier les préparatifs quelques jours. Ça vous fera du bien.

– Dimitri n'est jamais là, en ce moment. Le boulot lui prend tout son temps, il ne pourra pas s'absenter. Il n'est toujours pas rentré.

Je regardai ma montre.

Dix heures passées... un samedi soir...

– Bien... Pensez seulement à vous dans ce cas. Faites une sortie pour vous ressourcer entre copines, un bon spa avec massage. Une séance de sport pour évacuer les tensions accumulées.

– J'ai l'impression que vous citez le magazine féminin que je viens de refermer. Enfin, oui, vous avez raison. Peut-être pourrions-nous faire une sortie toutes les deux ?

Whaaat ?

– Euh... je vous assure que je dis ça pour votre bien, et que ça me ferait plaisir, mais vous ne feriez pas de réelle coupure avec le mariage. Non, il vous faut sortir de ce cercle. Mais je vous remercie, je suis touchée par votre proposition.

– Oui... oui... Je pourrais rappeler un ancien prof de yoga.

Ouf !

– Oui, bonne idée, claironnai-je.

– Bon... Je vous laisse, je n'avais pas vu l'heure. Rejoignez vos amies.

Pourquoi fallait-elle toujours qu'elle me donne presque un ordre rien que pour dire cela ?

Elle raccrocha. Chloé était si seule que ça pour n'avoir que moi comme amie potentielle ? Je trouvai ça triste, elle m'apparaissait plus fragile, touchante.

Je me tenais dans l'embrasure de la porte, devant Anne et Laura avachies dans le canapé. Elles reprenaient une part de tarte.

J'étais heureuse d'avoir des amies comme ça. Et surtout, d'avoir Laura avec qui notre lien si fort ne pourrait jamais disparaître.

La cerise sur la pièce montée (édité)Where stories live. Discover now