La cerise sur la pièce montée (édité)

28. Chute (5/5)

J'étais devenue l'héroïne du mariage que je préparais depuis des mois. Peut-être avais-je toujours préparé inconsciemment le mien.

J'étais le rôle principal d'un film. La scène romantique que l'on ne voit jamais dans la vraie vie était belle et bien en train de se passer.

Montée en puissance de la mélodie des violons, trémolos dans la voix, je n'épargnai personne et incarnai mon personnage à la perfection. Sauf que l'émotion était réelle, je gardais mes yeux plantés vers mon seul et unique but : Dimitri.

Tous mes mots étaient pour lui.

Au départ, il discutait avec Chloé. Puis quelque chose s'était passé, au fur et à mesure que je chantai. J'avais touché sa corde sensible car le bel homme s'était retourné complètement vers la scène.

La plupart des invités écoutaient mais leurs yeux scrutaient le ballet de lumières sur la façade du manoir. Puis en même temps que mes envolées lyriques, des feux d'artifice scintillants explosèrent au loin, vers la mer. Mais Dimitri ne lâchai pas mes lèvres du regard, ou seulement pour une seconde.

Nous étions connectés par un lien invisible, seulement tissé par la musique, la magie et la sincérité.

Au dernier refrain, ce fut le bouquet final. Je poussai sur ma voix. Heureusement que je fredonnais tous les jours pour la chauffer, autrement je me serais cassée les cordes vocales. Les lanternes magiques s'élevèrent au-dessus du lac par centaines, les musiciens jouaient avec intensité, ils portaient ma voix plus loin et les lumières et feux d'artifice se mêlèrent dans le ciel étoilé.

Dimitri s'était approché, il était seul.

Chloé n'était plus là. Mais je m'en fichai.

Je terminai la chanson, ma respiration accélérée soulevait ma poitrine mise en valeur par le décolleté plongeant.

Les invités applaudirent l'ensemble de l'orchestre, les régisseurs et moi-même. Nous saluâmes.

Beaucoup d'hommes regardaient vers moi, maintenant que la lumière était rallumée et que le spectacle était terminé. Les autres suivaient les lanternes du regard, c'était à celui qui resterait fixé sur elles le plus longtemps.

Puis Chloé tapa dans ses mains. Elle était dégoûtée et une lueur de démence l'enlaidissait. Je me demandais si j'étais la seule à le voir.

– Et maintenant, venez découvrir la dernière surprise ! rugit-elle.

Sa voix était stridente. Pendant le spectacle, nous n'avions pas remarqué que Gwen avait posé une enveloppe sur chacune des assiettes.

– Encore une surprise ? tonna quelqu'un. C'est un festival !

Étrangement, la mère de Chloé ne parlait plus et serrait la bouche pour refouler vainement ses renvois. Les parents de Dimitri ne s'occupaient plus d'elle et parlaient entre eux.

Dimitri revint prendre place à sa table, comme les autres.

– Tu sais qui c'est ? demanda-t-il à Chloé en parlant de moi.

Elle ne lui répondit pas mais ordonna à ceux qui n'avaient pas encore posé leur derrière sur leur chaise :

– Plus vite ! Et attendez pour ouvrir que tout le monde soit assis !

Son attitude était étrange, elle semblait énervée, plus du tout habitée par le bonheur et sa voix forte et son ordre avaient étonné l'assemblée qui se pressait. Et en même temps, c'était de l'impatience qui se manifestait dans ses gestes. Dimitri la regardait, peu rassuré.

J'aperçus Laura, s'approchant de madame Grévois. De la scène, je ne pouvais rien voir. Je me demandais bien ce que réservait Chloé. Pourquoi ne m'en avait-elle pas parlé ? Même sans dévoiler la surprise, pour que je l'ajoute dans le déroulé de la soirée ?

Mon intuition me criait qu'une mauvaise chose se préparait.

– Maintenant ! cria Chloé.

Les convives et Dimitri décachetèrent l'enveloppe en même temps, respectant les désirs de la mariée dominatrice.

Un murmure se propagea plus vite qu'une traînée de poudre. Puis un « Oh » choqué s'éleva. Laura se penchait au-dessus de l'épaule de la mère de Dimitri et sa bouche s'ouvrit de stupeur.

Chloé lança cette confirmation cinglante, alors que chacun s'était tourné vers Dimitri :

– L'image de la trahison ! Mon amour !

Beaucoup d'invités semblaient outrés, complètement sonnés. D'autres restaient perplexes, se demandant ce qu'il fallait comprendre.

– Comment as-tu osé faire ça à ma fille ! tonna madame Desneiges au marié dont la mâchoire s'était crispée.

Alors quoi ? Chloé avait raison depuis le début ? Révélait-elle une face sombre de Dimitri ?

N'y tenant plus, je m'approchai. Marion et Anne également.

Dans la main tremblante de Madame Grévois se trouvait deux photos. On n'y voyait nettement Dimitri en compagnie d'une femme. Le premier cliché les montrait dans un restaurant, le deuxième à la sortie d'un hôtel. Sur les deux, il lui souriait, de ce sourire qui me plaisait tant, et celle qui lui tenait compagnie n'était visible que de dos. Pourtant Laura et moi fîmes la même conclusion. Le regard décomposé, elle me dit d'une voix blanche :

– Mais, Amanda, c'est toi !

Note à moi-même :

1. Annuler l'ouverture de bal.