Chapitre 10

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Le lendemain matin, alors que je m'apprête à monter dans le fourgon où Paco m'attend, Picouly enveloppée dans son peignoir rose et l'air encore endormi s'avance vers nous d'un pas décidé. Tout le terrain parle de la raclée que j'ai récoltée hier. Il me serait difficile de masquer ma paupière enflée et Bastian s'est vanté de cette histoire dans toutes les allées du camp.

— C'est quoi qui s'est passé ? demande-t-elle en m'examinant avant de m'embrasser.

Elle tente d'agripper mon menton pour détailler mon œil, mais honteux et encore vexé par la correction que j'ai reçue, je me dégage et tourne les talons en haussant les épaules. Rapidement, je grimpe à l'avant du fourgon en retenant une grimace à cause de la douleur. Picouly bloque la portière que je m'apprêtais à lui fermer au nez. Je n'ai pas envie de subir un interrogatoire, reconnaître que ce connard de Bastian m'a mis plus bas que terre, qu'il m'a maîtrisé et fracassé. J'ai mal au ventre, cependant ce n'est rien comparé à tout ce qui se passe dans ma tête. Depuis toutes les révélations de la veille et la rouste, je me sens faible. Je déteste être ainsi, vulnérable. J'ai très peu dormi, non seulement la douleur m'empêchait de trouver une position confortable, mais ma nuit a été avant tout agitée par divers cauchemars dans lesquels mes parents me suppliaient de les aider.

La tête embrumée et le corps ankylosé, j'écoute Picouly, qui refuse de lâcher l'affaire et s'adresse à Paco sur un ton chargé de reproches :

— T'étais où le Paco quand ils lui sont tombés dessus ? T'y pouvais pas le protéger ?

Paco s'enfonce dans son siège et tourne la clef pour démarrer le véhicule. Je sens qu'il est embarrassé, pourtant, il ne se démonte pas et finit par répondre sans conviction :

— Tais-toi, c'est pas un gosse ! Il doit apprendre à se défendre tout seul !

Je serre les dents en pensant qu'il a raison. Toutefois à quatre contre un, je ne pouvais rien faire et cela ne fait qu'accroître ma rage de songer qu'ils m'ont pris en traître. Au collège, les élèves me craignaient, j'étais connu pour régler mes problèmes en donnant des coups au lieu de discuter, alors j'ai vraiment du mal à encaisser cette humiliation.

Picouly affiche un air furieux, mais comprend qu'elle ne tirera rien de Paco. Elle se tourne soudain vers moi et me demande inquiète :

— Tu vas pas repartir chez eux ?

Je sens bien que Paco et Picouly sont mal à l'aise devant moi et qu'ils n'osent pas dire tout haut qu'ils en veulent à ceux qui m'ont amoché, ils tentent de se faire pardonner avec de petites attentions pour me montrer leur soutien. Ainsi, Paco, qui se retrouve en conflit entre son frère et son cousin, s'est proposé de me déposer au haras. Il évite le sujet et je le trouve très affecté par cet épisode.

Avec ma sœur, c'est différent. En regardant mes blessures, elle souffre autant que moi et refuse d'accepter cette correction inégale. Elle est dépitée, son orgueil en a pris un coup. Elle ne sait pas que la vengeance est un plat qui se mange froid et qu'il est parfois préférable d'attendre, longtemps. Quand sa main se pose sur mon épaule, je lis dans ses yeux qu'elle a peur de me perdre, encore une fois. Pour la rassurer, je lui murmure :

— Je rentre ce soir !

— Je peux venir te chercher, me suggère aussitôt Paco.

J'apprécie qu'il propose de me récupérer. Sans aucun doute, il s'en veut de ne pas être intervenu hier, mais il n'y peut rien, Bastian avait prévu son coup depuis un moment, loin de Paco et Tito, qui fatigués par leur journée de travail avaient annoncé qu'ils préféraient regarder la télévision. Même si j'ai perdu cette première manche, ils ne me connaissent pas, ils ne savent pas toutes les brimades, les coups que j'ai reçus à l'école. Pourtant je m'en suis sorti, et cette fois encore, même si je dois tout recommencer, ce sera pareil. Je ne me laisserai plus faire.

SCAR - Pour le plus grand malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant