Tome 2 - Chapitre 11 (suite)

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Quelques jours plus tard, je travaille avec Tito sur une nouvelle commande assez particulière, car elle se situe en dehors des frontières. Nous nous sommes installés sur ma terrasse et tandis qu'un vent frais balaie la table, je tiens mes notes pour ne pas qu'elles s'envolent. Les signes du printemps qui apparaissent m'ouvrent des perspectives et me rendent positif. J'ai toujours le moral à cette saison, comme si le beau temps et le soleil agissaient sur mon esprit. La nature se réveille lentement et j'aime par-dessus tout l'observer.

Pendant que nous buvons une bière, Tito dévie la conversation et me confie son envie de recontacter la gitane de la discothèque. Je suis assez surpris qu'il y pense encore, car plusieurs mois se sont écoulés. Mais connaissant Tito, je ne me formalise pas trop, peut-être est-ce simplement un goût d'inachevé qui le rend sensible. Au vu de l'esclandre qui s'était ensuivi à l'issue de cette rencontre, je doute que tenter de la revoir soit une excellente idée.

— Si, ce n'est pas pour entamer une relation sérieuse, abstiens-toi ! Les frères ont l'air de la surveiller et ils seraient capables de te faire la peau...

— Ouais, je sais. Mais comment tu peux t'engager sans connaître la femme. C'est compliqué !

J'avoue que les traditions gitanes sont complexes. Les jeunes filles n'ont pas le droit de flirter et ne doivent jamais se retrouver seules en présence d'un garçon, sauf s'il s'agit de son frère, voire de son cousin. C'était le cas pour Lucinda et moi lorsqu'elle m'apportait mes repas.

La demoiselle que convoite Tito étant d'un clan différent du nôtre, les règles ne sont peut-être pas les mêmes. Je ne suis pas le meilleur conseiller, entre mon histoire avec Belinda et celle de Lucinda, je préfère botter en touche.

— Demande à Picouly, je suis mal placé pour t'aider sur le sujet...

— Ça, c'est vrai !

Il me met une tape fraternelle dans le dos en éclatant de rire. Il me tend sa bière pour trinquer et boit une gorgée, puis il regarde autour de nous. La vue est dégagée et le terrain désormais bien clos. J'ai construit une barrière tout autour pour délimiter mon territoire, éviter les intrusions malintentionnées et surtout pour que mes chiens ne s'échappent pas.

— T'es bien, ici ! constate-t-il d'un air joyeux.

— Y a de la place, si tu veux poser ta caravane, t'es le bienvenu.

— Merci, je vais y réfléchir. T'es au courant de ce qui se raconte sur Lucinda ?

— Quoi ?

Il saisit son paquet de cigarettes et me le tend. Je me sers et allume ma clope tandis qu'il fait de même.

— Elle est enceinte et les femmes disent que t'es le père.

Je ne réagis pas et me contente de siffler mes chiens qui aboient en direction de la forêt. Il y a souvent des chasseurs de ce côté-là.

Constatant que je ne m'aventure pas à commenter sa réflexion, Tito m'étudie du coin de l'œil, il attend une quelconque opposition de ma part qui pourrait lui donner un indice sur ma culpabilité. Ne voyant rien venir, il poursuit :

— Lucinda jure à tout vent que ce n'est pas vrai. Elle refuse de dire qui lui a fait ça. C'est pour ça que Bastian et Loran ne sont pas encore déplacés par ici.

J'étouffe un rire en songeant à mes ennemis de toujours. Si autrefois j'étais mort de trouille devant eux, surtout après la raclée que m'avait asséné mon cousin et que je ne l'oublierai jamais, aujourd'hui je les attends de pied ferme.

— Ils ne sont pas venus, car ce sont des lâches et je les effraie !

— Ouais, c'est vrai. Ils ont tous peur de toi maintenant ! N'empêche que je me demande quand même qui est le père.

Je le laisse mijoter et suis satisfait que Lucinda ne clame pas haut et fort que je suis le coupable. Même si je me doutais bien qu'avec son caractère, elle ne me décevrait pas et serait à la hauteur de ce que j'avais prévu pour elle. Je ne désire pas ce marmot, comme je n'ai pas voulu de l'autre.

SCAR - Pour le plus grand malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant