3 mois sous silence - L'Explosion (Tome 4)

Chapitre 2

Des pas chassent brusquement mes pensées au loin et ravivent ma paranoïa. D'un bond agile, que je n'aurais jamais pu réaliser en étant totalement humaine, je me relève avant de faire face à l'ennemi. Mais faute d'adversaire, je trouve le doux regard chocolat de mon meilleur ami.

- Je connais ces yeux-là, fait-il remarquer en passant ses mains dans les poches de sa veste. Tes démons sont encore venus te tenir compagnie ?

Stevan est le seul que j'accepte sur cette butte. Peut-être parce qu'il est le seul à comprendre ma douleur et à la partager. Je ne doute pas que Dimitri souffre aussi, mais sa présence est à exclure de mon environnement en ce moment, pour ma tranquillité d'esprit.

- Je ne peux décidément rien te cacher, noté-je sans timbre particulier dans la voix.

Apercevant sa mine soudain affligée, je préfère me détourner et baisser les yeux en direction de la stèle. Encore un petit moment. Encore juste un instant. Après, je serais prête à vivre une nouvelle journée d'attente. Je serais prête à subir les regards en coin et les grands sourires de certains. Et... je serais prête à leur répondre et sourire en retour.

- Quel est le nom de celui venu t'embêter ?

Stev me dépasse et vient déposer un bouquet de fleurs séchées au pied du buisson. Je me demande un instant où il a pu trouver des fleurs dans la steppe gelée, puis me rappelle de notre visite de la veille. Des cultures hors sols occupent les bas-fonds des cavernes, et alimentent les cuisines.

- Je déteste cette attente, murmuré-je avant de tirer sur mon bonnet, pour contrer le froid soudain qui m'envahit.

Calme dans ses gestes et dans sa voix, le vampire reste immobile un moment, accroupi face à la stèle et la main posée sur les pierres. Puis son timbre chaud m'apporte un peu de réconfort.

- Les plus grands combattants te le diront. La guerre n'est jamais effrayante. Pas dans le feu de l'action en tout cas, car tu n'as pas le temps de réfléchir. Tes émotions et tes états d'âme n'ont pas lieu d'être sur un champ de bataille. Non, ce que redoutent les soldats, c'est l'instant qui précède le combat. Lorsque notre esprit se projette durant l'affrontement, lorsque nos mains tremblent. L'attente demande des nerfs en acier. Et... je trouve que pour le moment, tu gères assez bien.

- C'est seulement parce que je sais que nous ne partons pas au conflit. Je préférerais d'ailleurs.

Comme pour marquer son approbation, je sens des fourmillements le long de mes doigts, tandis que mon pouvoir roule sous ma peau. Je le sens, là, trop proche de mon épiderme, en attente du moindre danger pour déclencher sa fureur. Et pour m'entraîner vers une folie démoniaque. Stevan, à mille lieues de mes pensées, se relève souplement et reste à mes côtés, sans me regarder. Mais ses mots sont pour moi et pour moi seule.

- Et pourtant, nous partons bien en guerre. Si mon informateur revient avec une réponse favorable, nous allons devoir nous rendre au Conseil.

Une seconde, mon cœur manque un battement et je suis persuadée que mon ami le perçoit. Toutefois, il fait mine d'être surpris lorsque je pivote vers lui, le front plissé d'inquiétude.

- Comment ça, "nous" ?

Un sourire amer traverse le visage impassible de mon meilleur ami avant qu'il ne reprenne, sombre.

- Je ne te laisserais pas ici. Si je dois partir avec Bregolas, tu viendras avec nous.

- Au Conseil ? glapis-je, ne pouvant masquer ma peur.

Je sais dorénavant qui se cache sous ce simple mot. Et il est juste hors de question que je fasse la connaissance de ces géants. Savoir qu'ils existent me flanque déjà bien assez de frissons. Je n'ai pas besoin d'une source de stress supplémentaire.