3 mois sous silence - L'Explosion (Tome 4)

Chapitre 7

À quatre pattes dans la neige, le souffle court, je passe une main tremblotante sur ma bouche chaude. Je mets du temps avant de me relever et lorsque je le fais, je tremble si fort que je manque de me retrouver une nouvelle fois par terre. Ce n'est pas possible, est la première pensée qui me vient. Dimitri n'a rien dit de tout ça, il ne m'a pas poussé aussi fort hors de sa vie. Ce n'est pas possible.

Je suis... en pleins cauchemars. Je vais bientôt me réveiller, empêtrée dans mes draps, trempée par ma sueur. Je vais... me réveiller. Ce n'est pas possible. Je ferme fort les yeux. Et compte. Jusqu'à cinq. Jusqu'à dix. Mais quand mes paupières se rouvrent, je suis toujours immensément seule au cœur des steppes sibériennes. Alors... je dois me rendre à l'évidence. Le cauchemar est devenu réalité. Je viens de lui déclarer que je l'aimais. Je viens de prononcer des mots que j'ai trop peu dits à mes parents, et que je n'ai jamais dévoilés à mes amis ou à un garçon me plaisant. Et je viens de me prendre la plus grande claque de toute ma vie. Ce n'est pas possible.

Et j'en viens à la conclusion que, non, ce n'est pas possible. Dimitri... pleurait. Presque. Me repousser... Ce qu'il a fait lui a coûté. Énormément. Plus je réfléchis, plus tout s'avère étrange. Rien n'a de sens lorsqu'il est dans les parages, mais, là, tout est contradictoire. Il m'a dit qu'il me protégeait. Que tout ça... n'était que pour assurer mon futur. Les mains dans les poches, je finis par m'emparer du sifflet que j'observe attentivement. Le faisant rouler entre mes doigts, je tente de me remémorer la scène.

Dimitri, bien qu'étant un étrange personnage, n'est pas cruel. Il peut parfois endosser un veston de connard, mais ce n'est pas ce qu'il est au fond. Je le connais suffisamment pour l'affirmer. Non, il y a autre chose. Comment expliquer qu'il m'ait demandé si je l'aimais, pour ensuite m'ordonner de couper notre lien ? Je repasse le talisman autour de mon cou, m'empare des rênes de l'étalon avant de faire quelques pas, Duman me suivant sans broncher, le nez rivé au sol. Il faut que je réfléchisse. Que je me souvienne du moindre détail. Que je me pose les bonnes questions. Avec un peu plus de recul... Peut-être que je trouverai les réponses que je cherche si désespérément ?

Je lève les yeux vers le ciel soudain gris, assombri par la nuit arrivant à grands pas. Nous sommes dans cette période où le jour ne dure guère qu'une heure ou deux. Les pays du nord et les habitants y sont habitués. Moi, ça me donne uniquement l'impression que la fin du monde arrive à grands pas. Je pousse un profond soupir puis rabats les rênes derrière les oreilles de Duman et les laisse sur son encolure. Je le flatte quelques instants, tandis que l'immense animal vient poser son chanfrein contre mon épaule.

Je l'observe faire, émue par ce geste de confiance, avant de lui donner un baiser sur son poil luisant. Sans le vouloir, il m'a offert un peu de sa force pour avancer. Qui pourrait m'en vouloir, si je m'arrêtais là ? Après tout ce que j'ai traversé, je pourrais pleurer, hurler. Je pourrais m'enfuir jusqu'au prochain village humain, tout envoyer valdinguer ou me rouler en boule sous une dizaine de couettes. Mais ce n'est pas mon genre. Ou, du moins, ça ne l'est plus.

Dorénavant, la douleur et la peine me donnent envie de me battre plus fort, de crier de rage et non plus de désespoir. Alors, je fais partir la souffrance qui étouffe mon cœur et attend que mon palpitant reparte à un rythme normal. Je patiente et marche en veillant à garder en mémoire que le territoire sur lequel je pose les pieds m'est hostile. Il ne manquerait plus que je croise des bêtes sauvages pour clore cette désastreuse matinée et ce sera parfait...

-        Préviens-moi si tu sens quelque chose, murmuré-je à Duman.

J'inspire à fond sans attendre la réponse muette de l'animal et me ferme au monde qui m'entoure, me plongeant dans mes pensées. Bien. Du recul sur la situation. Pourquoi Dimitri m'a-t-il repoussé ? Son souffle haché lorsque je lui ai dit que j'étais amoureuse de lui... il n'était pas feint. Il ne peut pas me tromper, pas à ce point. Pas alors que je suis la seule femme à m'approcher de lui. Pas alors que j'ai senti son cœur prendre la même mesure que le mien. Il a les mêmes sentiments que moi, j'en suis sûre.