3 mois sous silence - L'Explosion (Tome 4)

Chapitre 44

Ayant déjà vécu l'expérience, Dimitri me sent presque immédiatement, et se force à ne pas réagir, de peur que nous nous fassions repérer. J'ignore si cela sert à quoi que ce soit, car, avec les membres du Conseil, nous ne sommes sûres de rien. Autant tous m'ont senti et s'apprêtent à m'éjecter d'une manière ou d'une autre de l'esprit du vampire. Celui-ci relève la tête et tourne sur lui-même, observant l'endroit enfin en pleine lumière. Dans les souvenirs de Saveli, nous n'avions qu'entendu les êtres siégeant au Conseil.

Aujourd'hui, nous avons l'honneur de nous retrouver dans cet immense cercle recouvert d'un tapis noir, et surplombé de fauteuils d'hommes d'affaires, nous rendant particulièrement vulnérables. Quoi que nous fassions, nous sommes toujours dos à quelqu'un. Actuellement, Dimitri se tient face à Bregolas, confortablement installé dans un des sièges du Conseil. Dérius et Brakon sont à ses côtés, aussi fiers que lui. En suivant le regard amusé de l'Alpha suprême, nous découvrons Isidore, les yeux braqués sur son ennemi. À serrer autant ses accoudoirs, il risque de les déchirer sans même s'en rendre compte.

Cela me prouve que la réunion vient tout juste de commencer, et que le roi vampire est en train d'être mis au courant de l'ascension des loups. Bregolas jubile, et Isidore... n'a plus les cartes en main. Rien de surprenant que le père de Stevan soit furieux. Et cela ne fait aucun doute que, lorsque le procès débutera, Isidore sera le premier à s'insurger. Saveli et Stevan, les yeux baissés en direction de mon âme sœur, ont la mine sombre, concentrés sur la suite. Dans les yeux de Stev, je crois voir une lueur passée quand il plonge dans ceux de Dimitri, mais mon vampire détourne la tête trop vite pour que j'en comprenne le sens.

Siégeant à la gauche d'Isidore, Néréide se pare d'un visage sévère en observant Dimitri d'un œil critique. La sorcière, facilement identifiable pour des raisons évidentes, s'apparente à une dame d'une quarantaine d'années. Guère plus, bien que le carré blond qui englobe son visage la rajeunisse peut-être. Une couronne, entrelacée de plusieurs branches en bois et de fleurs, repose sur ses cheveux et descend le long de ses tempes, à la manière d'un casque. L'Enchanteresse est accompagnée d'une jeune femme lui ressemblant énormément. Sa fille, peut-être. À sa gauche se trouvent trois hommes de très petite taille. De toute évidence, Dueron et ses deux conseillers.

Les trois portent une longue barbe tressée et l'âge du roi est incontestable, avec ses cheveux blancs et les rides parsemant son visage. Une lourde couronne en fer, recouvert de grosses pierres lumineuses, est posée sur sa tête. Sa tenue se compose d'une tunique dans les tons beige et de bottes épaisses chaussées au pied, sans fioriture. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a l'air de s'ennuyer comme un rat mort. L'arrivée de Dimitri ne l'a même pas détourné de ses pensées mornes et le fauteuil vide à sa gauche ne l'aide pas à sortir de la torpeur dans laquelle il semble plonger. Le siège des Hommes.

Bien qu'il comprenne que cette vision puisse me retourner le cerveau, mon vampire ne s'attarde pas sur cette place inoccupée et poursuit son tour de table. Il croise alors un regard aussi froid que la glace et aussi létal que la mort. L'elfe Cyrion, ou, autrement dit, l'un des deux êtres les plus anciens du Conseil. Étonnamment, son physique ne présage rien de dangereux, si l'on se fie à son ossature délicate, à son visage presque diaphane et à sa belle chevelure noir corbeau. Mais lorsque l'on fait davantage attention, on remarque des muscles sous sa chemise fine, une peau épaisse ne laissant pas passer la moindre lame et deux oreilles pointues cachées sous une couronne en argent d'une finesse incroyable.

Et puis... il y a son regard. Son regard, qui se met brusquement à fouiller, à chercher une information dans celui de Dimitri. Pendant une seconde, j'ai la désagréable impression qu'il me voit, me découvre dans la tête de mon âme sœur. Mais ce n'est peut-être qu'une panique paranoïaque, car il détourne finalement la tête, sans faire le moindre commentaire. L'interaction silencieuse entre le roi elfe et lui ne l'ayant que peu affecté, Dimitri, étrangement calme, porte alors son attention sur le dernier représentant du Conseil : Ulzaïr.