With You [Terminée]

Chapitre bonus - Mickael

Média : Love – Sebastien Tellier

Samedi 1er août 2020

Je suis partagé entre l'envie de le détester et de l'admirer. Assis sur cette chaise, j'observe Robin qui attend la future mariée sur cette plage aux décorations raffinées. L'endroit est idyllique, digne d'elle. Ce veinard va épouser Bella. Et je suis aussi anxieux que lui de la revoir. Il est stressé comme je l'étais le jour de mon mariage. Je connais ce sentiment entre la peur et la joie immense de s'unir à la femme qu'on aime. Mais lui, il saura la rendre heureuse toute leur vie.

Moi, j'ai fait le con et je m'en mords encore les doigts. Mais je n'avais pas le choix. Elena était mon premier amour, et nous avions franchi tellement d'étapes ensemble qu'il me fallait aller jusqu'au bout. Même si j'avais des sentiments pour Bella et que j'aurais dû la choisir elle lorsque j'en avais encore la possibilité, j'ai préféré suivre la lignée que je m'étais fixé à l'adolescence. Cet avenir parfait que nous nous étions tracés avec Elena, cette perspective qui comblait nos familles de bonheur.

Sauf que nous avons grandi entre-temps, loin l'un de l'autre. Et même si nos sentiments étaient encore très forts, nous avons changé. Et ça, j'en ai fait le triste constat quelques mois après notre installation à San Francisco.

Lorsqu'Elena est arrivée à New-York, nous étions dans l'euphorie de nos retrouvailles et des préparatifs de notre mariage. J'étais sur un petit nuage et je me suis laissé porter par la fierté de mon père de marier son fils aîné. Alors j'ai mis mes sentiments pour Bella de côté. Ce ne devait être qu'une idylle passagère, avec le temps mes émois en pensant à elle devraient s'estomper. La distance aussi aurait dû m'aider à tourner cette page.

Lors de notre arrivée en Californie, Elena et moi étions plutôt satisfaits de notre nouvelle vie. Nous avions dégoté un petit meublé à l'entrée de San Francisco. Ce n'était pas l'appartement de nos rêves mais au moins on était proche du centre et c'était amplement suffisant pour débuter dans cette ville.

Elena a rapidement commencé ses cours, presque trente heures à l'école sans compter le temps de travail personnel et collectif avec les autres étudiants pour la résolution de cas plus délicats. Elle était passionnée par ce qu'elle découvrait et n'avait pas beaucoup de temps libre. Malgré tout, on s'est offert un long week-end à Hermosa Beach en guise de voyage de noce. Le nom de ce lieu nous avait tout de suite séduits et présageaient un week-end de rêve en amoureux. Sauf qu'à part le sexe qui était explosif, il n'y avait plus grand-chose qui nous unissait. Elena passait son temps sur son téléphone à répondre aux questions de ses potes de promo et nous n'avions pas de réels sujets de conversation.

Le retour à San Francisco m'a laissé un goût amer. Elena s'est immédiatement replongée dans ses études. J'étais souvent seul dans ces deux pièces qui me rendaient dingue. Je n'avais toujours pas trouvé de boulot stable. J'avais parfois quelques missions de livreurs mais rien de vraiment épanouissant après le travail de rêve que j'avais laissé à New-York à la joaillerie Armanini. Mon père et mes frères me manquaient, mes amis aussi, Alessandro surtout. Nate et Martin également, j'avais créé des liens forts avec eux au fil de nos soirées bien arrosées à délirer. C'était le bon temps. Quant à Annabella, son souvenir me déchirait le cœur. Ma Choupinette, ma belle tigresse, je lui avais fait du mal alors qu'elle avait toujours été tellement passionnée avec moi.

Je la suivais de loin grâce aux réseaux sociaux. Et c'est ainsi que j'ai vu naître à distance sa relation avec Robin. Lors des soirées de la Fashion week j'avais tout de suite détecté que ce mec la ferait chavirer. Il faut dire qu'il avait tout pour lui, libre, beau et riche. Il pouvait lui offrir tout ce qu'elle désirait, tout ce qu'elle méritait. Si égoïstement, j'avais essayé de l'éloigner de lui lorsque j'étais présent, je savais pertinemment qu'en mon absence il prendrait la place. La nature a horreur du vide et il a su combler celui que j'avais laissé dans la vie de Bella.

Anna, ma belle et douce Anna. Il m'arrivait souvent de me donner du plaisir en contemplant les clichés qu'elle postait sur son compte Instagram. Je n'avais qu'à fermer les yeux pour me remémorer la chaleur de sa peau, l'odeur de son parfum dont j'essayais de me rappeler les notes de vanille, ses formes voluptueuses que mes mains connaissaient par cœur. J'avais toujours ce regret de ne m'être jamais autorisé à l'embrasser. Cette si jolie bouche sensuelle qui m'a pourtant apporté tant de plaisir.

J'essayais de l'oublier sans jamais vraiment y parvenir lorsque nous avons reçu son faire-part de mariage. La fin inéluctable de tous mes espoirs. Car même si je suis resté un mari fidèle, Bella était toujours dans mon cœur et peuplait mes rêves. Seulement, elle avait continué sa vie, sans moi. Il me fallait à présent affronter mon pire cauchemar, celui de la voir partir avec un autre. Si j'avais préféré l'éviter lorsque nous étions revenus à New-York pour Noël, je n'avais pas le choix que d'affronter la vérité et son regard.

Et maintenant je suis assis sur cette chaise à l'attendre avec Elena lovée contre moi, impatient de la découvrir dans sa robe de mariée qu'elle revêt pour un autre. La musique annonçant son arrivée imminente se fait entendre. Je tourne la tête et je l'aperçois radieuse au bras d'Antonio, mon père de cœur, et mon âme se déchire. Je la regarde progresser lentement vers Robin qui la couve du regard, il l'aime profondément et cela se sent et elle le mérite.

Arrivée vers l'autel elle se retourne et contemple la plage remplie des personnes qui sont venues pour elle. Elle est radieuse et épanouie, ce spectacle me ravit autant qu'il me fait mal. Soudain, son regard se crochète au mien, elle me sourit tendrement et mon cœur fond, j'aurais envie d'intervenir, de lui crier mon amour et de la supplier de me pardonner et de me suivre. Mais je ravale la boule que j'ai au fond de la gorge et la laisse à son bonheur. Robin est un mec bien, Bella sera heureuse avec lui.

Je tourne la tête vers Elena qui n'a rien loupé de mes émotions. Elle fronce les sourcils puis se radoucit avant de me déclarer

— Reste ici le temps qu'il te faudra.

Tout comme moi, elle a compris que ma place était ici. Je vais m'accorder quelques jours chez mon père mais je sais qu'au fond de moi, je ne retournerai pas à San Francisco. Sans vouloir interférer dans la vie de Bella, je préfère être malheureux près d'elle et de ma famille plutôt que de souffrir seul et éloigné de tous.