𝑬𝒙𝒊𝒍𝒆́𝒆.

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« Quand on est exilé de son propre chez soi, on a tout le temps froid. On se sent frileux même quand le soleil nous brûle la peau, sa lumière étrangère, son touché amer...»

La guerre est finie
Je me retrouve au seuil de ma maison
Comme un enfant sans doudou
À la recherche de confort

Et j'ai cette brute douleur qui me saisit
Qui me fait vaciller
Me faisant tomber sur mes genoux

Affolée,
Ma respiration m'échappe
je me noie dans la réalisation que mon chez-moi n'a jamais appris à m'aimer
Prêt, mais si loin de son amour
Je l'ai toujours été
J'ai désiré cette affection comme je désirais les bras de ma mère
Mais hélas, ma mère aussi m'a rejeté
Mis à l'écart, pour devenir soldat et donner ce que je n'ai jamais possédé

Voilà pourquoi je me suis toujours sentie comme une exilée
Pourquoi j'ai toujours eu froid
Pourquoi mon cœur n'a jamais su se stabiliser

Je me suis sentie comme un animal
Piégée par mes propres illusions
J'ai fui vers la liberté, mais j'étais toujours colonisée
Hantée par une tendresse que je n'ai jamais connue
De douces paroles et de beaux souvenirs
C'était le fruit de mes désirs
Les rêves d'un enfant monstre aux mains tremblantes et à la voix chavirasse

À genoux, devant tout ce qui aurait dû m'éduquer, me chérir, me bâtir
J'ai revu ma vie défiler
De quand je faisais semblant de détester le contact
Et vaciller face à l'affection
De comment, j'ai fui la chaleur humaine alors que j'en désirais à en mourir, à en suffoquer au milieu de la nuit
Enlacée dans les bras de la solitude
Tremblante de vide, de silence et de douleur
Tout était humain chez moi mis à part mon amour

Affligée,
Je me suis déchiré de ma maison
Je suis sorti du cocon
J'ai dû me détester, me battre, me dénigrer les bonheurs
J'ai dû séparer tout ce qui me collait
Puis je me suis rebattu à nouveau
À une image moins hideuse que la précédente
Avec un masque plus renard qu'agneaux
J'ai dû apprendre à me détester jusqu'au point du non-retour
Jusqu'aux limites
Jusqu'au bord du monde, ma haine persistait, voulant franchir les frontières

Malgré le feu qui m'habitait
J'avais si froid
Je frémissais, je tremblais, je ne pouvais plus bouger
J'avais les membres glacés, les dents qui claquaient, la neige qui embrumait ma pensée

J'avais si froid
Rien n'a pu alléger ce petit-enfant blessé au fond de moi qui balançait entre la rage et l'aspiration

Je voulais retourner chez moi
Me mettre près de mes humains, près de mes ruines
Je voulais si désespérément me rappeler de ce que ça faisait de respirer sans tousser de la cendre

J'ai bravé la vie comme un lâche
Et je suis revenu comme un traître
J'étais le pire dans les deux mondes

J'ai appris à détester ce qu'ils ont détesté
Et quand il fallait remettre de l'ordre
Déposer les armes et faire la paix
Je n'ai su où me mettre
Dans quels bras me réfugier
Sur quelle épaule me tenir
Si j'ai trahi chaque notion de fidélité et loyauté, vers qui, devrais-je hurler victoire ?

Mais je l'étais, loyale et fidèle, je l'étais avec mes principes tordus, avec ma haine qui m'a gardé sur mes deux pieds bien solide et vraie

Je tremblais comme si j'étais nue au milieu de la neige
Je voulais m'effondrer, j'y étais presque
Au seuil de ma maison, devant l'endroit qui a fait éclater toute cette guerre en moi, j'y étais à son seuil désespérée, apeurée, abattue

Agenouillée, entre-détruite et bien solide
Le regard fixé vers celle qui m'a ouvert la porte et qui n'a jamais pu me donner un peu de merci pour mon âme endolorie

J'ai succombé à son mépris, son dégoût, sa déception
Je lui ai embrassé les pieds pour lever mes drapeaux blancs
Je lui ai fait une promesse aussi tordue que je l'étais
D'être à son image même si cela voulait dire de déposer mon chaos dehors, et de jeter l'enfant aux loups
J'ai succombé si lâchement

Comment peut-on vivre si on est à jamais enchaîné ? Quand on est si colonisé que même la liberté n'a aucun goût, aucune passion pour raviver les cadavres et calmer les pleurs ?
Comment peut la liberté être si cruelle qu'elle dépasse tout dégré de paix ?

Comment pourrais-je voler librement si la peur s'agrippe à mes sens et à mes membres, me réduisant à une chaire brouillée, à un être sans identité ?
Comment ?
Comment pourrais-je le faire si je suis si atrocement terrorisée ?

Je me questionnais les bras affaiblis, les sanglots silencieux dans les bras de celle qui m'a mise au monde, elle me poussait loin d'elle et je m'accrochais quand même
Comme si j'essayais de me cacher à l'intérieur de sa terreur au lieu de la mienne.

«12 𝑺𝑨𝑰𝑺𝑶𝑵𝑺 𝑫𝑬 𝑴𝑰𝑵𝑼𝑰𝑻.»Where stories live. Discover now