𝑱'𝒂𝒊 𝒒𝒖𝒊𝒕𝒕𝒆́ 𝒖𝒏 𝒂𝒎𝒊

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J'ai quitté un ami
Un ami au bord du quai
Je revois encore son image dans mes rêves
Debout sur la gare
Je revois son regard plein de secrets
Je revois ma main se refermer sur de la fumée
Je m'éloignais si rapidement de ce moment figé dans le temps
C'était là-bas que tout avait commencé et finit

Les paysages défilaient et mes peines s'entassaient
Le cœur en miettes décorait mon ciel d'étoiles filantes

Ça n'aurait pas dû se passer ainsi
Tu aurais dû arriver plutôt et j'aurais dû attendre un peu plus
Les aux revoirs n'ont jamais été pour nous
Mais cette fois-ci, c'était pire
C'était un adieu non prononcé

On se regardait se déchirer alors que le monde virevoltait
Tes yeux agonisés me hantent toujours
Car je me rappelle si brusquement de notre tendresse
On était si maladroits, toi et moi
Mais je t'ai chéri comme personne ne l'a fait
Ce n'était pas assez, tu murmurais

J'ai quitté un ami, oui, un ami qui m'a abandonné en premier
Je suis revenu vers toi, une offre de paix entre les mains
Tu n'as pas pris le temps de considérer le mal que tu avais déjà tout éteint

On n'avait pas besoin de paroles
Je voyais que c'était déjà trop tard
Que je n'avais plus de place en toi
Tu m'as poussé hors de moi
J'ai essayé de te sauver, me sauver, nous redonner une chance à l'innocence
Je me suis emballé, c'est vrai, mais mes doigts tiennent toujours un morceau de ta chair
Tes dents se referment toujours sur un bout de mon âme

On s'est tué si lentement, mais si brusquement
Tu symbolisais ce qu'on devenait quand on est arrogant d'amour
Amputé du cerveau
Et je symbolisais la loyauté sans faute
Déchirée dans l'affection excessive
J'ai voulu te protéger avec mon cœur d'enfant
J'ai pris ta froideur et tu as pris mes printemps
Les fracas de ce lien ont un écho de violence imbibée de trahison

Oh, qu'on était si naïves et agaçants
Qui aurait pensé qu'une telle beauté pouvait se transformer en une hideuse mélodie
On était si horribles toi et moi
Si compatibles en compagnie
Si vénérés par les destins
Je ne voulais guère te lâcher la main
Je sais que toi non plus
J'en garde les séquelles
Les jointures en poussière

On était jeune, si petits et si tranchants pour se sauver de l'omniscience
Emmêlés dans les fils du destin
On a tout coupé se croyant vainqueurs
On a mordu dans le cœur et dans l'âme
Aigris et affamés
L'amertume de cette déchirure revêtit jusqu'à aujourd'hui ma langue
Mais qu'en est de la tienne ?

Quand ça te concernait, je n'ai su grandir
Je m'agrippai si férocement à ton ancienne image
Comme un enfant têtu
Je m'agrippai de toutes mes forces à notre image
Deux petits oiseaux tournant aigles l'un contre l'autre
J'ai toujours cru qu'on braverait le monde
Mais tu m'as fait braver contre le monde
Et pourtant, j'y tiens toujours à toi

Je t'ai peint en nuances du mal
Je t'ai écrit en des rimes affreuses
Et tout le monde a vu la collision
Ils ont vu les débris
Mais moi, moi, je vois toujours tes doigts entrelacés contre les miens
Scellés d'amitié, de souffrance, et d'affrontement
Moi, je te garde toujours près de moi
Comme une ombre dans le jour
Comme un fantôme dans la nuit

Ne te rappelles-tu donc pas de la douceur ? Du bon vieux temps ? De nos sourires enjolivés ?
Ce n'était pas toujours tordu entre nous
On méritait un peu de grâce, ne trouves-tu donc pas ?

Je te garde si près de moi que je chasse le monde entier pour ta présence glaciale
Et je sais que tu en ferais de même
Car, un triste jour d'automne, j'ai quitté un ami sur la gare de la vie
Debout face à mon train qui venait de démarrer
Une frileuse lettre entre les mains
Un visage méconnaissable de chagrin
Le vent faisant de mon ami une feuille tremblante qui risquait de s'envoler à l'opposé de ma direction
Puis j'ai tourné le regard vers toi
Vers le passé
Et on s'est regardé se démêler

Je t'ai reconnu malgré les années de guerre
Ma lettre pendante de tes doigts frémissants
On était si fragiles
J'aurais voulu te sourire pour la dernière fois, te prendre dans mes bras, te murmurer un adieu et peut-être te redonner la chair de ton cœur
J'aurais voulu te dire que ça m'importait guère même si j'en saigne toujours
Que si tu me reviennes sans armure, je saurais reprendre mon ami dans mes bras et le consoler
J'aurais voulu te dire tout ce que je ne t'ai pas dit dans cette maudite lettre
J'aurais voulu que tu saches que j'ai quitté la gare en laissant un ami derrière moi
Un bout vivant qui continuait de m'assassiner
Et je sais que tu aurais voulu faire de même
J'en suis persuadée...au fond de moi, je suis certaine de ta haine
La seule trace de ce qu'on était

Mais le plus important cher ami
As-tu finalement quitté la gare ? Vais-je te retrouver dans ce vaste monde ? Saurais-tu reconnaître mon fil doré du destin ?
Enfin, l'attraperais-tu pour moi ? Et vers moi de nouveau ?

«12 𝑺𝑨𝑰𝑺𝑶𝑵𝑺 𝑫𝑬 𝑴𝑰𝑵𝑼𝑰𝑻.»Where stories live. Discover now