Late Night Talking

Tome I • Chapitre 1

4 août 2023 -  Dans les hauteurs de Monaco.

Ce soir, c'est l'occasion de relâcher la pression. Dimanche était le dernier grand prix du début de saison. La soirée bat son plein, il y a beaucoup de monde et beaucoup d'alcool. La maison surplombe la baie de Monaco. Je ne sais même pas qui est l'hôte. Les garçons m'ont forcés à venir pour me changer les idées, pour l'instant ça ne fonctionne pas forcement. Je n'ai pas vraiment la tête à la fête, mais devant leur insistance, qui pourrait être presque du harcèlement, j'ai plié.

Je connais Pierre depuis que nous sommes tout petits, nos pères faisaient de la course automobile ensemble. Lui a pris place dans le baquet et moi je suis restée à l'abris dans les gradins. Même si j'ai quelques années de plus que lui, il a tendance à croire que son rôle est de me protéger. Je ne dirais pas que nous avons une relation fusionnelle que tout le monde nous envie. Je dirais plutôt que nous sommes de bons amis, la seule règle entre nous est que quand l'un a besoin de l'autre, l'autre doit répondre présent. Petit à petit, j'ai intégré leur groupe d'amis. Mais depuis cette année, ma profession m'oblige à être en dehors de chez moi 23 weekends dans l'année. Vous l'aurez compris, j'ai eu l'opportunité de rejoindre les paddocks depuis le début de la saison.

Pierre me tend un verre et me sourit avec un air qui veut dire « profites du moment », ça doit se voir sur ma tête que je n'arrive pas à me mettre dans l'ambiance pourtant d'habitude j'arrive plutôt bien à tromper les personnes qui m'entourent. J'esquisse un petit sourire et j'avale une gorgée. Ça me brule la gorge, le con, il n'y est pas allé de main morte sur la dose d'alcool fort. Je finis mon verre d'une traite, peut être que ça va aider à me désinhiber.

La musique et l'alcool commencent à faire leurs effets, je me détends un peu. Je tente de traverser la foule amassée dans la maison pour réussir à aller sur la terrasse. Les garçons sont là, assis dans le salon de jardin, ils discutent entre eux. Des fois, quand je les regarde, je me sens chanceuse de pouvoir compter sur ces personnes là dans ma vie. Je m'approche et je m'affale dans un fauteuil.

- Aaaaaaah, la voilà enfin ! Tu as failli nous faire attendre ! Déclare Charles avec un grand sourire.

- Contrairement à vous, personne ne se pousse pour me laisser passer, il m'a fallut presque quinze minutes pour réussir à vous rejoindre ! C'est ouf le monde qu'il y a !

-Si tu nous avais pas obligé à te forcer la main pour que tu viennes, tu aurais été prête en même temps que nous et tu aurais profité de notre aura naturel pour fendre la foule, me répondit Pierre.

J'accroche mon plus beau sourire à mes lèvres et je lève mon verre pour trinquer avec les personnes autour de la table. Ces deux là ont toujours le mot pour détendre l'atmosphère. Je m'installe plus confortablement dans le fauteuil et j'écoute les différentes discussions. Certains refont le dernier grand prix avec des « si » pour changer l'issue de la course, d'autres commencent à planifier leurs vacances à venir. Trois semaines de pauses obligatoires pour toutes les écuries, ça va nous permettre de souffler et de recharger les batteries pour reprendre de plus belles. Pour ma part, je n'ai rien de prévu durant la pause, je vais me laisser porter et surtout prendre le temps de ne rien faire.

Je laisse mon esprit partir loin de cette soirée, je ne suis pas à mon aise et pourtant il va falloir faire avec. Je n'aime pas quand il y a trop de monde, je ne suis pas quelqu'un de timide ni de réservée, mais la foule m'oppresse très vite. Voilà pourquoi je ne voulais pas venir ce soir. Quand je suis qu'avec Pierre ou Charles, on passe plutôt inaperçu, certains les reconnaissent mais ont la politesse de les laisser tranquilles. Mais ce soir, il y a beaucoup trop de pilotes connus pour espérer passer une soirée plutôt paisible. Rien qu'à notre table, il y a Pierre, Charles, Georges, Lando, Carlos et Alex ainsi que leurs petites amies respectives. Avec tout le monde qui gravite autour de nous sans nous lâcher des yeux, c'est difficile de faire comme si de rien était. Les personnes présentes, ce soir, sont des amis qui sont des amis d'amis des garçons.

Je fais signe à Pierre de se rapprocher et je lui glisse à l'oreille que je vais faire un tour et me resservir un verre. Il me sourit, pose sa main sur mon genou et exerce une légère pression pour m'apporter son soutien. Je me lève, j'esquisse un sourire à tout le monde et je vais faire le tour de la demeure pour tenter de trouver un endroit qui n'a pas encore été envahi par les fêtards. Dans la maison, il y a du monde partout, je m'approche du bar pour me resservir un verre de Gin et je vois un escalier qui descend. Je contourne l'ilot de la cuisine et je descend les marches petit à petit. L'endroit semble être une cuisine d'été donnant sur une piscine à débordement. Est-ce que cette maison a une limite ? J'ai des doutes, même dans cet espace il y a du monde, je plisse les yeux et je vois dans la peine-ombre un petit portillon, derrière un petit chemin en terre semble contourner la piscine pour aller en contrebas.

Le calme, j'ai enfin trouvé un endroit qui n'a pas été envahi par cette foule de personnes alcoolisées. Il n'y a pas d'éclairage, je ne vois pas grand chose à part des transats au milieu de cette terrasse qui semble abandonnée. Je m'approche du rebord de la terrasse, je dois être arrivée au fond du terrain puisqu'en contre-bas il n'y a rien d'autre que des rochers escarpés et un grillage qui semble faire le tour de la propriété. Je m'assois au bord, mes jambes sont dans le vide. Derrière moi, j'entends la musique qui s'élève dans les airs. Je prends le temps de respirer profondément plusieurs fois. Qu'est-ce que j'apprécie le calme... J'entends le bruit caractéristique de l'ouverture d'une canette, moi qui pensait être seule.

- Pas facile de trouver un endroit calme ce soir...

Je ne me retourne pas, peut être que si je ne réponds pas, la personne comprendra que j'ai pas envie de discuter et que je veux être seule. Le transat derrière moi grince, j'en conclue que la personne s'installe et compte rester ici un petit moment.