Chapitre 17 (corrigé)

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                                                                                 Arlun


                                                                  5 mois plus tard

-Eh le vieux, donne-nous à boire ! On en a sué pour le sortir ce porc ! Crie un homme tandis que je sors de la masure d'Alaric pour voir ce qui ce passe.

Une charrette tirée par un âne s'est arrêtée sur le côté de la maisonnette et j'observe les quatre hommes qui en descendent. D'aspect sale et repoussant, ils sont couverts de boue de la tête aux pieds et je réprime un frisson en croisant le regard de l'homme qui semble diriger la petite équipe. En entendant un bruit de pas dans mon dos, je me retourne et fais un discret signe à Henrik pour qu'il rentre, ce qu'il fait après avoir jeté un rapide coup d'œil au groupe. Les hommes ne l'ont pas vu et je préfère le tenir loin de ses énergumènes, on ne sait jamais...

Ils reviennent de la fosse où le roi Aelle a pris l'habitude de faire jeter tous ceux qui l'encombre et il y en a eu beaucoup depuis Ragnar. Il a fait retirer tous les cadavres pour les jeter à la mer, à l'exception d'un seul... Celui de mon père. Ses hommes ont eu beau retourner la région, personne n'a réussi à mettre la main sur son corps, ni sur celui des hommes qui y avaient été envoyé. Sauf moi...

Peu de temps après sa mort, la charrette transportant le corps de Ragnar était passée devant la masure en fin de journée, et j'avais innocemment demandé à monter avec les trois hommes, profitant de l'absence du vieil aveugle et celle de mon fils partis pour une cueillette. J'avais prétexté devoir me rendre dans un village pour y acheter de la nourriture et les hommes naïfs m'avaient autorisé à monter à leur côtés, me prévenant qu'ils n'arriveraient que le lendemain matin au village le plus proche. Je n'avais rien prévu, mais je ne supportais pas l'idée que mon père soit lâchement jeté du haut d'une falaise... Je n'avais eu qu'à attendre la nuit pour les égorger dans leur sommeil et les jeter lesté de pierre dans un profond lac avant de m'éloigner avec la charrette à la faveur de la pleine lune déclinante.

Au lever du soleil, j'étais arrivée dans une petite clairière et ayant trouvé l'endroit parfait avec les fleurs multicolores qui en tapissaient le sol, je m'étais mis à la tâche pour creuser une profonde tombe avec les pelles des hommes laissée dans la charrette. J'ai réussi à refouler mes sentiments tout le temps qu'à durer l'effort, de même lorsque j'ai tiré le corps de mon père par les pieds pour l'extraire hors de la charrette et l'amener près du trou que j'avais creusé. Je m'étais alors assise à même le sol détrempé près du corps froid recouvert d'un linceul blanc et j'avais posé ma tête sur son torse. J'étais essoufflé, à bout de force et soudain, j'ai craqué, moi qui m'étais promis de rester de glace. J'ai pleuré longtemps, avant de parler à ce corps, à ce père que j'aimais tant comme le voulait la tradition viking. J'ai embrassé son front à travers le voile et doucement, l'ai poussé vers sa dernière demeure avant de recouvrir son corps de terre, de trop nombreuses larmes coulant de mes yeux, le cœur fendu en deux...

Un rire méchant me fait revenir à moi et je vois Alaric, avancer vers moi.

-Eh bah en voilà une jolie fille comme on n'en croise pas souvent... Aussi belle que les fleurs du printemps. Je m'appelle Ansfrid ma belle et toi ? S'exclame-t-il en me reluquant de haut en bas, tout en prenant la cruche des mains du vieil aveugle sans même le remercier pour en boire une grande rasade avant de la tendre à ses camarades.

Alaric tourne la tête vers moi et me fait un discret signe de la main en direction de la maison derrière moi. Il se doute des intentions des hommes et voudrait que je me mette à l'abri avec mon fils à l'intérieur. Mais il est hors de question que j'aille me cacher comme une gamine. Le vieil homme qui m'a invité à rester chez lui après la mort de Ragnar s'est pris d'affection pour moi et se croit obligé de me protéger tel un père. Mais qui protégerait mon fils alors ? Et lui ? Qui veillerait sur lui ? Je suis la seule à pouvoir faire face si le moindre danger se présentait... Et je m'en voudrais qu'il lui arrive quelque chose... Je me suis attaché à lui, il est devenu un ami cher...

Elsker Nord (L'amour du nord)       Livre 2 et Livre 3Where stories live. Discover now