Elsker Nord (L'amour du nord) Livre 2 et Livre 3

Chapitre 27

                                                                              Arlun

La plaine où je me trouve est calme, silencieuse et pas un souffle de vent n'agite les hautes herbes tandis que j'avance lentement en caressant du bout des doigts les tiges tendues vers le ciel, en regardant l'horizon où se dresse seul un gros arbre. Le soleil, à son zénith, dans le ciel d'un bleu limpide me caresse de ses chauds rayons tandis que je ferme les yeux, inspirant l'air doux, profitant du silence, de cette paix intérieure que je ressens... Les cris dans ma tête ont enfin cessés... Ma douleur n'existe plus... J'aimerai que cet instant de totale plénitude dure jusqu'à la fin des temps...

Mais au bout d'un instant seulement, alors que je rouvre les yeux, des cris et des pleurs d'enfants me parviennent comme de très loin, avant de rapidement gagner en force jusqu'à devenir une cacophonie insoutenable. Aussitôt, je me bouche les oreilles pour ne plus les entendre, pour ne plus avoir le cœur et le ventre vrillés par ses sons insupportables... Les mains sur les oreilles, je hurle pour couvrir ce bruit dans ma tête, je hurle pour qu'ils se taisent, pour ne plus les entendre...

Je vois avec horreur le ciel se couvrir en quelques instants de gros nuages noirs, et la pénombre envahir la plaine, me plongeant dans une semi-obscurité qui me prend à la gorge, qui fait caracoler mon cœur de peur.

Je sursaute soudain en voyant un mur noir et colossal s'élever à ma droite, puis un autre à ma gauche et les vois avec effroi s'allonger jusqu'à l'horizon et se fondre avec la couleur du ciel. Je me retourne en entendant un choc sourd et vois avec épouvante les murs se rapprocher rapidement l'un de l'autre, et finir par ne faire qu'un, ne laissant aucun espace entre eux. La panique m'envahis et le cœur battant à tout rompre, je me mets à courir droit devant moi, sentant dans mon dos le mouvement des murs qui se rapproche de plus en plus de moi, les hurlements des enfants encore plus puissants résonnant en boucle dans ma tête.

Je cours pendant ce qui me semble des heures, ne voyant jamais la fin de ce piège mortel, le cœur prêt à exploser, la tête envahis de sons insoutenables, la peur me vrillant les tripes sûre que si je ralentis ma course je vais être écrasée. Et soudain, à bout de force et de souffle, je réalise que j'arrive au bout de ce supplice et vois une simple porte de bois se rapprocher vivement tandis que dans mon dos, le choc sourd des murs qui se heurtent semblent accélérer. Je me jette sur la porte, en priant les Dieux pour qu'elle s'ouvre, la percutant de plein fouet et me retrouve le nez dans l'herbe, le corps douloureux de tant d'effort. Paniquée, je me redresse et sursaute en voyant les derniers murs s'entrechoquer juste devant la porte ouverte.

Rassurée et exténuée, je me laisse tomber dans l'herbe et une main sur le front, les yeux fermés, je tente de reprendre mon souffle et de calmer les tremblements qui m'agitent. Au fur et à mesure que mon cœur s'apaise, j'entends avec soulagement les hurlements décliner rapidement jusqu'à devenir un simple fond sonore et je respire enfin, même si je me demande ce qui va encore me tomber dessus...

-Tu peux ouvrir les yeux petite, plus rien ne va t'arriver...

Cette voix reconnaissable entre mille, cette voix qui m'a tant manqué...