oo. PROLOGUE

555 51 68
                                    

Say you won't let go, James Arthur.

— NOUS ENTRONS DANS UNE ÈRE NOUVELLE, et il est de notre devoir de transmettre nos souvenirs et nos connaissances aux générations futures. Ils doivent savoir ce à quoi ressemblait notre monde il y a de cela quelques dizaines d'années, avant que le Voile tombe. Il est crucial qu'ils sachent qu'autrefois, notre pays était allié avec d'autres nations et que nous vivions en harmonie avec eux. Il ne faut pas que les Mythomanes les corrompent au point qu'ils ne réfléchissent que par et pour notre société actuelle. Le monde d'aujourd'hui est extrêmement regrettable et je suis sûre que nous aurions...

Gabrielle écoutait d'une oreille le discours redondant et motivant de la Chancelière Éluard, distraite par les manigances suspectes d'un groupe de garçons à quelques mètres derrière elle. Elle releva furtivement ses yeux dévorés par la curiosité vers son père qui, lui, écoutait avec la plus grande des attentions la déclaration de la Chancelière. Elle guetta quelque mouvement fugace qui témoignerait du fait que son géniteur la surveillait du coin de l'œil. Ce dernier ne bougea pas d'un cil et Gabrielle en conclut qu'elle avait le champ libre.

Elle recula de quelques pas avec la plus grande des discrétions puis se glissa à travers le flot d'adultes venus assister au discours en plein air sur la place de la ville, en face de l'ancien beffroi devenu école. Après maintes plaintes de la part des hommes et femmes tentant de se concentrer, Gabrielle parvint jusqu'au groupe de garçons. Elle ne resta pas en retrait et engagea la conversation avec un d'eux, un garçon blanc dont la couleur rousse de ses cheveux l'intriguait — elle n'avait jamais vu des cheveux de cette couleur auparavant.

— Salut, moi c'est Gabrielle, mais tu peux m'appeler Gaby. Dis, tu es né avec cette couleur de cheveux ?

La petite fille qui, elle, arborait une chevelure grise — significative de son statut dans la société — porta une main maladroite aux cheveux du garçon. Son doigt effleura à peine une de ses mèches rousses que l'intéressé lui attrapa la main avec une poigne saisissante. Gaby, pétrifiée, plongea ses yeux de glace dans ceux noisette du garçon. Pendant quelques longues secondes, ils se scrutèrent, examinèrent les traits de l'autre, le souffle court.

Finalement, le petit garçon desserra son emprise et libéra le poignet de la boule d'énergie à la chevelure grise. Il passa une main dans ses cheveux et les recoiffa machinalement. Il tendit sa main à Gaby avec un léger sourire franc de grande personne, contrastant avec son corps d'enfant. La petite fille n'en fut pas plus impressionnée et lui serra la main, amusée d'agir d'une manière si formelle.

— Je m'appelle Elior. Et c'est ta couleur de cheveux qui est bizarre, c'est les vieilles personnes qui doivent avoir des cheveux gris.

— Mais non, c'est la couleur que l'on doit avoir ici. Si tu habites dans l'Arcade, tes cheveux sont gris, sinon ils sont bleus. Pourquoi tu as aucune des deux couleurs, toi?

— Je comprends pas de quoi tu parles. Mes parents non plus ont pas cette couleur. C'est absurde ton histoire.

— Tu viens d'où? Tout le monde le sait depuis tout jeune, on nous rabâche tout le temps le même discours, râla Gaby, en lançant un bref regard vers la foule.

— Je sais pas vraiment. J'étais avec mes parents dans la forêt, et d'un coup, plein d'hommes armés sortis de nulle part nous ont sauté dessus. On nous a emmenés jusque ici dans une grosse voiture, ça a duré tellement longtemps ! J'avais un bandeau sur les yeux et j'avais pas le droit de l'enlever. Eux aussi ils ont vécu la même chose.

Elior désigna les trois autres garçons avec qui il discutait avant l'arrivée de Gabrielle. Tous deux rejoignirent les enfants et le rouquin leur présenta la petite fille. Les jeunes personnes arboraient des cheveux blonds ou noirs et non gris ou bleus comme l'exigeait le Traité de 2242.

MythomaniaWhere stories live. Discover now