21. GABY

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Gasoline, Halsey.

MALGRÉ LES SENTIMENTS QUI SE FAISAIENT BATAILLE en elle, Gaby sentait au creux de son être, un désir irrépressible, tel une vérité se présentant à elle dans toute son excellence, de ne pas rester dans la passivité. Elle souhaitait plus que tout rassembler ses affaires et courir après le groupe du lycée du Milieu, pour rattraper Laïa. Or, son corps lui intimait le contraire, c'est-à-dire d'agir comme si elle n'avait été que mirages lors d'une flânerie et de reprendre paisiblement le cours de sa vie, d'ors et déjà assez bouleversé.

Comment avait-elle pu s'éprendre de cette adolescente? Elles n'avaient échangé qu'à peine quelques mots, quelques regards au gré de leurs émotions. Cependant, Gabrielle sentait son cœur changé; elle se lamentait par ailleurs de n'avoir pu faire connaître son nom à Laïa.

Tout cela signifiait-il réellement quelque chose? N'était-ce pas à peine une fervente curiosité pour l'attrait de la nouveauté et de la hiérarchie sociale, plutôt que la naissance d'un sentiment pour cette jeune fille? Gaby doutait de ce qu'elle ressentait, de son jugement et de son chemin de vie.

Après tout, peut-être ressentait-elle simplement de l'attirance pour les filles. Cette hypothèse s'imposa avec brutalité à elle. Gabrielle considéra quelques instants cette probabilité et en ressentit un soulagement. Elle n'avait jamais pu exprimer ces mots à elle-même, et personne ne les avait non plus prononcés un jour. Cela n'existait pas. Le besoin de mettre des mots sur une chose pour la rendre réelle et envisageable était nécessaire.

Gabrielle, comprenant l'horreur de la situation, bondit hors de sa chaise et se mit en tête de ranger ses affaires, sans grand soin. Elle s'apprêtait à placer le sac sur ses épaules lorsqu'un jeune homme, qu'elle n'avait jamais rencontré, l'aborda.

Son accoutrement la déstabilisa: il portait sur la tête un bonnet qui couvrait ses cheveux et il possédait des yeux noirs saisissants.

— Bonjour, est-ce que nous pourrions discuter quelques instants, je vous prie?

Gabrielle, bien qu'elle sentît son cœur battre pour une raison obscure, le dévisagea des pieds à la tête un moment. Il paraissait un gentil garçon, mais ce n'était pas un critère de fiabilité — elle le savait.

— Pourquoi voudriez-vous parler avec moi? Je suis pressée.

— Parce que ce dont je vais vous parler vous intéressa, c'est une certitude, Gabrielle, assura-t-il avec un air mystique.

Gaby leva les yeux au ciel; c'était comme si, une fois qu'un malheur était tombé sur elle, l'adolescente s'était métamorphosée en aimants à individus suspects et à conflits.

— Comment vous connaissez mon nom? soupira-t-elle, presque lasse du trop plein de surprises depuis quelques jours.

— C'est votre professeur qui me l'a appris, M. Monier.

— Il trempe dans quelque chose de louche, c'est ça? Parce que je ne veux pas être impliquée dans ce genre de stratagèmes illégaux.

— Je vous croyais opposée aux lois en place? Ce n'est plus le cas?

Gabrielle, exaspérée, tira sa chaise et s'y installa. Elle posa ses mains à plat sur la table avec un air de défi animant ses yeux. L'adolescente avait décidé de cesser ce jeu de questions intenable et de simplement écouter ce que le jeune homme avait à lui relater. Elle pourrait peut-être ainsi être libérée plus rapidement de sa compagnie handicapante.

L'adolescent aux allures d'homme s'attabla à son tour et tint tête à Gaby, de par ses yeux et sa posture droite.

— Je vous écoute.

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