53. ACHILLE (partie 2)

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Take me apart, SYML.

Dans le miroir, son apparence avait changé. Son visage, dont il commençait à s'habituer, ne collait pas du tout avec sa tenue, avec le décor.

Une angoisse ressurgit dans sa tête: peut-être que l'homme avait la tête ailleurs quand il lui avait parlé et il n'avait pas songé qu'il se trouvait devant l'évadé. Et si il était démasqué à la seconde où il sortait dans le couloir? Et si les gardes comprenaient immédiatement qui il était, à la vue de son visage juvénile et battu? Et si il nourrissait bien trop d'espérances?

— Achille, arrête ça. La ferme, se chuchota-t-il à lui-même dans le miroir.

Son propre visage le toisait dans la surface réfléchissante, le jugeait avec moquerie, lui, le garçon que la vie avait brisé, mais qui ne pouvait s'empêcher de continuer à avancer, comme un martyre qui cherchait à défier les limites de son tortionnaire.

— Pour Hade, ajouta Achille, en inspirant avec difficulté. Pour... Elior.

Les larmes lui montèrent aux yeux alors que prononcer son prénom le ramenait à toutes les fois où il s'était mal comporté avec Elior, où il l'avait accusé faussement de la mort de son frère, où il avait repoussé son aide. Le jeune homme aux yeux noirs ravala ses sanglots, se faisant violence pour ne pas se laisser submerger par une nouvelle vague de chagrin. Il ne pouvait pas se le permettre.

— Pour eux, et pour toi, Roan, souffla le garçon dans un murmure incertain qui se mua bientôt en un faible pleur. J-j'aurais tellement aimé q-que tu sois encore là. Tu me manques, mon frère. Tu me manques tellement...

Une larme coula sur la joue d'Achille, la gorge soudain chargée de sa peine. Il inspira une goulée d'air, réfrénée par sa tristesse croissante, en levant sa tête vers le plafond pour empêcher les perles salées de déborder. Non, il ne pouvait pas se le permettre. Il devait partir et vivre, avec Hade, pour leurs frères qui avaient déjà rendu leur dernier souffle. Pour ceux qui avaient donné leur vie pour le sauver, lui. Achille ne pouvait pas gâcher ces présents, ou ce serait comme s'ils étaient morts en vain. Qu'importe ce que lui avait demandé Elior, Achille vivrait pour eux, c'était sa dernière motivation.

L'adolescent expulsa tout l'air de son corps, dispersant dans l'atmosphère quelques parcelles de son grief et de son chagrin, et sécha ses larmes. Il était temps de se risquer au-dehors, il n'y avait pas de retour en arrière envisageable. Avec un dernier regard sur son aspect physique dans le miroir, le garçon aux joues rougies se dirigea vers le débarras, afin d'ensuite sortir dans le couloir.

Lorsqu'il posa le doigt mutilé de l'homme de sa salle de détention, Achille eut une bouffée d'anxiété, inquiet que, déjà, cette empreinte fut cataloguée comme invalide et qu'il fut repéré aussitôt. Cependant, la porte coulissa normalement, à son grand soulagement. L'adolescent glissa le doigt dans un morceau de tissu épais qu'il rangea dans la poche de son pantalon bleu à la coupe droite.

Achille se risqua dans le couloir, en tentant de paraître le plus nonchalant qu'il le pouvait. La porte se referma dans son dos en un claquement léger. Il porta les yeux à sa gauche puis à sa droite, constatant que le couloir n'était plus vide et qu'une tension s'était installée. Visiblement, la nouvelle de sa disparition avait fait son chemin dans le bâtiment.

Néanmoins, alors qu'il s'avançait dans le couloir d'une démarche hésitante, personne ne prêta attention à lui, bien que quelques paires d'yeux s'accrochait parfois aux blessures de sa face avant de s'en détacher. Il ne lui restait plus qu'à trouver Hade, mais cela lui paraissait presque impossible. Comment allait-il procéder?

Alors qu'il se faisait de plus en plus de nœuds à l'esprit, Achille remarqua une silhouette qui lui semblait familière. Un jeune homme venait de surgir du mur de gauche, par une entrée, et s'éloignait dans la direction opposée. Achille était certain que c'était Charles, et sa présence ne le rassura pas. Vif, l'adolescent capta la brusque accélération du jeune adulte et déporta son attention sur l'autre partie du couloir, vers les adultes en costumes impeccables se tenant dans le couloir.

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